Réalisé par Mounia Aki. Liban/France. Drame. 1h47 (Sortie 27 juillet 2022). Avec Nadine Labaki, Saleh Bakri, Nadia Charbel, Yumna Marwan, Chacar Khoury et François Nour.
Tourné après les explosions accidentelles du 4 août 2020 qui ont semé le chaos dans Beyrouth, "Costa Brava, Lebanon" de Mounia Aki porte en lui toutes les tensions et toutes les questions qui parcourent la société libanaise et pas seulement, puisque la lutte désespérée d'une famille contre les déchets générés par la société moderne partout dans le monde.
Grossièrement on peut considérer la famille formée par le couple Souraya (Nadine Labaki) et Walid (Saleh Bakri), leurs deux enfants et la grand-mère comme une famille "bobo". Possédant une maison en dehors de Beyrouth, Walid souhaite que les siens s'y installent pour fuir l'air irrespirable et la pollution galopante qui caractérisent Beyrouth dans un avenir si proche qu'on peut à peine parler d'avenir...
Mais plus personne n'est à l'abri du pire et le pouvoir en place décide d'installer une décharge à ciel ouvert juste en dessous de la propriété de Souraya et Walid.
"Costa Brava, Lebanon" de Mounia Aki va donc raconter - entre autres - la lutte de la famille contre la décharge dans un combat pot de terre contre pot de fer. On y verra aussi l'unité de la famille se déliter, entre l'attitude rigide de Walid, et les accommodements des autres membres de sa famille avec leurs nouveaux voisins, ouvriers et ingénieurs gérant la décharge, militaires la protégeant.
Fable d'une grande force en rapport avec la situation présente du Liban, "Costa Brava, Lebanon" raconte aussi le quotidien et la transformation d'une famille sous cette contrainte. Désormais, plus personne n'est à l'abri des conséquences de la mondialisation et chacun va devoir trouver "sa" réponse au désastre écologique.
Mieux vaudrait, bien sûr, que tous s'unissent et fassent ensemble front à la menace. Mais est-ce aussi facile que ça de trouver une réponse probante à cette agression qui les dépasse ? Peut-on lutter, même si on appartient à une classe qui peut encore partiellement s'opposer grâce à ses relations et à ses positions sociales symboliques ?
"Costa Brava, Lebanon" n'est pas un simple film politique, c'est une interrogation sur l'intrusion du monde d'après dans la vie de tous, quel que soit son rang et sa possibilité de résister peu ou prou à ses excès.
Mounia Akri réussit à ne jamais être dans le pur manichéisme. En découvrant la vie au jour le jour de cette famille, on perçoit les failles et les défauts de chacun des personnages, tous bien dessinés et bien interprétés.
Ne voulant pas sombrer dans le pessimisme absolu, la réalisatrice trouve une fin plutôt rassurante, mais pas forcément réaliste. On sait, même quand on s'intéresse de loin à la situation dramatique libanaise, que les politiciens de tous les bords sont certainement plus tenaces que ceux du film.
Tant mieux pour cette famille dont on suit pas à pas les épreuves comme si on était dans un thriller ou dans un film à suspense. Que la conjonction des intérêts politiques et économiques pousse à transformer un endroit idyllique en poubelle n'étonnera hélas personne. |