Le Bocal fait partie des formations françaises les plus intéressantes du moment. Peut-on encore la qualifier de big band ? Certes, ils sont 16. Certes leurs bases sont celles d’un jazz plutôt classique, écrit, carré…
Mais cela semble un peu limitatif, au vu surtout de leur dernier album, Ego, sorti chez Bee Jazz-Abeille Musique et qui fait montre d’une volonté de fusionner, d’improviser, de chambouler qui les éloigne - et c’est heureux - de toute conception poussiéreuse que l’on accole trop facilement à toutes formation de plus de 10 pièces dès lors qu’il y a une majorité de cuivre.
Les savoyards du Bocal ont de toute façon depuis longtemps déserté le monde des étiquettes. C’est déjà le troisième album de cette formation, et s’affirment de plus en plus les points cardinaux de ses musiciens. Si l’on sent dans la technique une essence plutôt classique, il n’est pas nécessaire d’avoir entendu les précédents albums pour découvrir des influences rock, électro, afro-beat sous la tutelle d’un maître exigeant, Franck Zappa.
On ne serait pas au courant que le précédent opus du bocal s’attachait à revisiter avec succès les œuvres du maître ("Oh No! ...just another Frank ZAPPA memorial barbecue!", leur précédent album y était entièrement dédié), on saurait à la première écoute en distinguer les influences. Tout y amène, de la technique vocale, aux chorus en passant par la composition en tant que telle. Tout respire l’influence positive du génie. On ne va pas s’en plaindre, il n’y a qu’à écouter les premières mesures de "Chippendoom", l’un des meilleurs morceaux de l’album pour s’en rendre compte…
Une influence zappaïenne qui joue forcément sur l’approche du mélange même des styles. C’est avec beaucoup d’à-propos, ainsi, qu’on retrouve dans ce morceau même la collaboration d’un chanteur et d’un guitariste de métal pour renouveler les genres et les influences, et pour fausser les pistes, aussi… C’est ainsi, également, que sur le morceau central, pignon de l’album, "Le Foutage" (de gueule ? certainement pas !) le groupe invite en plus du chanteur métal de NFO une chanteuse lyrique, Patricia Lhéritier… On pourrait craindre une espèce de reprise de Queen version intello. Ce serait faire fi d’une écriture excessivement fine et d’une improvisation discrète mais considérablement efficace.
On sent d’ailleurs, d’album en album, une propension à aller vers ce jazz moins classique… L’enregistrement à Pernes les Fontaines et la signature chez Abeille n’en est qu’un signe mineur : ce sont les compositions, les points de vue qui évoluent. Les morceaux de transitions, dans un album qui se veut un collectage d’instantanés, sont à ce titre très parlantes : elles sont le concentré improvisé de toutes les influences des musiciens. A ce titre "Ego#5", qui précède le très bon morceau "It was Before" est très symptomatique et surtout très plaisant.
Le Bocal fait partie de ses formations de jazz européen qui cherchent et qui finissent donc par trouver. Leur dernier album, Ego, est de loin le plus abouti car il s’appuie sur le vécu propre des musiciens et fait le compte des influences. Voilà de l’écriture musicale en marche. Ego ne soliloque pas. Il parle à ceux qui aiment la musique en fusion. |