Spectacle écrit et interprété par Fred
Pellerin.
Fred Pellerin est québécois et conteur. Et ce
n'est pas rien.
Québécois il nous rappelle que 4 millions de
canadiens venus de l' Hexagone qui parlent français résistent
au phagocytage par les 280 millions d'anglophones qui les entourent
et que même s'il leur fut parfois interdit de parler français
jamais on n'a pu leur interdire de chanter et de se retrouver
à la veillée pour se raconter des histoires.
Conteur, il reprend le flambeau de sa grand-mère Bernadette,
une grand-mère analphabète mais à la langue
bien pendue "qui proustait léger" dit-il -
et dont il a manifestement hérité - et distille,
certes à plus grande échelle, ses contes de village
dont les racines sont implantées dans "son"
village au nom improbable mais réel de Saint-Élie-de-Caxton.
Avec ses boucles blondes, ses yeux bleus derrière ses
petites lunettes rondes et son physique juvénile, l'enfant
qu'il fut transparaît et toujours en mouvement, porté
par son verbe malicieux et tonique, il ressemble aussi à
un lutin venu ensorceler son auditoire. Car effectivement il
y a bien de la magie dans ce spectacle qui ne comporte rien
d'autre que lui, une chais et une guitare.
Ses histoires, moments de vie d'un village et de ses habitants,
qui puisent leurs racines aussi bien dans les légendes
de son pays, dans l'héritage de sa grand-mère
que dans son imagination fertile sont dispensées avec
une langue bigarrée mâtinée de mots et d'expressions
du cru ainsi que d'inventions sémantico-surréalistes
qui la transforme en matière vivante en constante renaissance.
A partir de la métaphore avec un arbre aux deux branches
qui portent soit des fruits sains soit des fruits empoisonnés,
il brode un nouvel épisode picaresque de l'histoire de
son village qui tente de berner "L'arracheuse de temps"
venue en personne chercher son dû dans un lieu où
les morts se faisaient attendre peut être grâce
à la Stroop, une femme aux pouvoirs étranges qu'elle
tenait de son sixième oeil, sa fontanelle restée
ouverte parce qu'elle n'avait pas assez d'os et qu'il lui avait
fallu choisir entre ses dents ou son crâne.
Tout est à l'avenant dans ce spectacle lui aussi magique.
Une magie qui tient à l'empathie du conteur, à
sa manière de raconter fébrilement comme s'il
y avait urgence à "faire passer" ses contes
vibrionnants soustendus de portée philosophique et métaphysique
avec son élocution pétaradante où les mots
se bousculent au passage, créant des télescopages
aussi inattendus que jubilatoires. Bien sûr rien du folklore
pour touriste mais un conteur habité qui est sans doute
son premier spectateur, au bon sens du terme.
Quelques respirations avec une petite chanson et il continue
à dévider sa bobine emberlificotée et semée
de digressions en tirant sur un fil dont il ne paraît
même pas savoir où il va le mener, un fil qui brode
son canevas pour y déposer des portraits de personnages
hauts en couleur et en verve et parler tout simplement de la
vie. Alors, raconte moi encore une histoire… |