Texte
de Christian Siméon, mise en scène de Thierry
Falvisaner, avec Arnaud Aldigé.
A partir d'un fait divers historique, un double assassinat
qui au 19ème siècle, a entraîné l'exécution
d'un homme déclaré coupable, un jeune homosexuel
de 22 ans qui, jusque dans le couloir de la mort, s'est atrocement
débattu, Christian Siméon a écrit un monologue
saisissant.
"Hyènes" est un texte puissant, violent,
habité, savamment construit de divagations mnésiques
et de ruptures lyriques qui tend non à l'autopsie d'un
meurtre, qui comporte toujours une part d'ombre insondable,
mais, s'engouffrant dans la brèche toujours présente
de l'incertitude, en une descente sans corde de rappel dans
les béances d'une âme.
Partition exceptionnelle pour un acteur, car le personnage
est fascinant, insaisissable, crépusculaire et séduisant,
manipulateur entre rage et folie baroque, victime compassionnelle
et peut-être prédateur fantasmatique, c'est également
une mise en abyme du théâtre qui a pour vocation
de changer le regard de l'homme sur l'homme avec une histoire
placée sous le signe de la confusion tous azimuths à
saisir d'effroi.
Thierry Falsinaver a monté
ce spectacle avec l'intention affirmée d'ériger
ce monologue halluciné en "coup de poing" dirigé
vers le public - "Spectateur, toi qui entre voir Hyènes…
sache que tu entres sur un ring" indique-t-il dans ses
notes d'intention - et force est de reconnaître qu'il
tient son engagement.
Ainsi, avec une scénographie judicieusement théâtralisée
et symbolique basée sur une trichromie, blanc, noir et
rouge, il a conçu un espace carcéral qui délimite
le terrain de jeu, au double, voire triple, sens du terme, de
l'officiant qui invite, exhorte, accule le spectateur à
s'immerger et s'investir dans un huis clos tragique.
Pour porter ce rôle hors norme, Arnaud
Aldigé se révèle époustouflant.
Dès les premières minutes, virevoltant dans un
costume de velours rouge, il initie une étrange et poignante
parade de conjuration des démons de l'âme et des
frayeurs de l'homme qui s'achèvera en dramatique danse
de mort.
Impressionnant et léger, jouant autant de l'empathie
que de la répulsion pour la bête humaine, cet autre
soi-même, qui même mis à nu, au sens propre,
ne se dévoile jamais tout à fait, miroir de l'altérité,
il réussit une admirable prestation qui sidère
le spectateur. |