Encore une histoire rapportée des côtes anglaises de Minehead. Plus précisément du All Tomorrow’s Parties d’Explosions In The Sky en mai 2008, où tard dans la soirée, un jeune barbu, seul en scène, guitare en bandoulière, pédales de sampling sous les pieds avait hypnotisé son auditoire. Transfigurant de simples complaintes acoustiques en poignantes fables surréalistes que n’auraient pas reniées Pearls Before Swine ou Roy Harper. Une sorte d’apparition.
A une époque où de trop nombreux héros folk récents sont devenus des icônes cartonnées et surmédiatisées frisant l’auto-caricature (Devendra Banhart, Coco Rosie, Herman Düne…), on ne peut que se réjouir de voir subsister des travailleurs de l’ombre. Portés par un indéfectible idéal : le plaisir de jouer. Le plaisir de jouer ensemble même. De se jouer aussi des modes et du qu’en dira-t-on. Menant leur barque contre vents et marées. Convoquant l’intégrité autant que l’authenticité du Band, de Creedence Clearwater Revival, des New Riders Of The Purple Sage ou du Loner. Les portes drapeaux de cette scène se nomment Deer Tick, Doctor Dog, Vetiver… auquel il convient évidemment d’ajouter Phosphorescent.
La tournée de l’époque faisait suite à la parution de sa quatrième réalisation (Pride). L’an passé, Matthew Houck – le garçon derrière Phosphorescent – s’essayait à la country via un album de reprises de l’immense Willie Nelson. Simple passade ou orientation plus profonde ? Réponse avec son nouvel opus Here’s To Taking It Easy, dans les bacs depuis quelques semaines.
L’album – à l’instar de son concert printanier à l’Espace B – s’ouvre par son titre le plus abouti "It's Hard to Be Humble (When You're From Alabama)" pour se terminer sur une splendide épopée que n’aurait pas renié le Crazy Horse époque "Zuma" ("Los Angeles"). Au niveau de la réalisation, Here’s To Taking It Easy s’avère beaucoup plus étoffé et fluide que ses prédécesseurs : les bénéfices d’un personnel – le même que sur To Willie – stable, rodé à la scène et formé au désossage des classiques du maître country.
On y découvre également un Phosphorescent avant tout focalisé sur les instrumentations, jamais avares d’incursions dans les tonalités country, au détriment des paroles ou du chant. Celui-ci, volontairement paresseux, doucement trainant ajoute au côté laid back, voire joyeux de l’ensemble, sorte de musique pour le plaisir à rapprocher du Dead circa 1970. Le sombre Matthew Houck d’antan a-t-il donc tiré sa révérence ? Pas totalement, le laconique "Hej, I’m Light" saura revigorer les nostalgiques. De quoi donner aussi quelques regrets…
Alors, verdict pour ce sixième album du géorgien ? Phosphorescent vient clairement de signer son "American Beauty" : le plus réussi en terme de réalisation, mais pas forcément le plus passionnant sur la longueur. On lui préfère encore Aw Come Aw Wry et surtout Pride, ce dernier demeurant encore à ce jour encore intouchable.
En concert le 14 septembre au Café de la Danse
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