Comédie dramatique écrite et mise en scène par Colette Alexis-Varini, avec Martine Bertrand, Mathieu Busson, Gaëtan Gallier, Michel Kullmann, Annie Perret et Aurélie Turlet.
Avec "La course", Colette Alexis-Varini explore pour la seconde fois un épisode de sa biographie familiale relatif à la mort d'un jeune homme pendant la guerre d’Indochine qui, juste après la fin de la seconde guerre mondiale, a embourbé la France pendant près de dix ans face à la guerilla indépendantiste.
Elle y interroge les faits connus pour élaborer une histoire fragmentaire et tenter de comprendre la motivation d'un jeune homme qui s'est engagé dans l'armée pour devenir un héros.
Derrière cette forfanterie provocatrice se cache un drame de la résilience impossible, une vie sinistrée, une parmi d'autres, que l'auteure dépeint dans le monde de la petite paysannerie des années 30, un monde frustre à la Zola.
Le père ne s'est jamais remis de la boucherie de la drôle de guerre pendant laquelle il a été gazé et la mère violente, qui rêve d'une autre vie, une vie facile à la parisienne, se désintéresse de ses rejetons, deux jumeaux aux tempéraments opposés, un sage et un frondeur.
La mort du père, l'abandon de la mère, l'absence de tout amour traumatisent les enfants qui vont réagir différemment. Si le premier tente de s'accommoder de l'existant pour se construire un avenir, l'autre reste bloqué dans l'angoisse, sur un sentiment d'injustice et d'exclusion, qui l'amène à revivre toujours la même course qui l'obligeait à aller chercher le père effondré dans son champ et être considéré comme une tête brûlée qui dérange et que chacun rejette.
Si le texte est celui d'une pièce naturaliste, le spectacle ne se situe pas dans le registre du réalisme. Alternant le présent, le passé et le souvenir, il s'écarte de la narration linéaire et du théâtre de scènes pour y substituer une partition polyphonique dans laquelle chaque personnage raconte sa vérité de manière distanciée et transcendée par la mémoire. Un parti pris de l'auteur, qui assure également la mise en scène, qui s'adresse plus à la raison qu'à l'affect.
Dans une scénographie minimaliste de Carolina Espirito Santo, des cimaises semi-opaques qui sous les lumières de Marie Bellot structurent les différents espaces mentaux, ceux de la narration, du passé et de la mémoire, Colette Alexis-Varini signe un beau et exigeant travail avec des comédiens, Martine Bertrand, Mathieu Busson, Gaëtan Gallier, Michel Kullmann, Annie Perret et Aurélie Turlet, totalement impliqués dans le jeu d'une belle homogénéité. |