Comédie écrite et mise en scène par Sotha, avec Christine Anglio, Pierre-Jean Cherer, Philippe Manesse, Timothée Manesse et Ange Ruzé.
Sotha, figure de proue aussi mythique que le Café de la Gare dans lequel elle est au four et au moulin ce qui explique la longévité de ce haut-lieu du café théâtre, y présente régulièrement ses créations dont elle assure la mise en scène.
Avec "Cyrano m’était conté", elle revisite la célèbre comédie héroïque de Edmond Rostand en la passant dans la moulinette de la pochade.
Mais que personne ne s'y trompe : derrière ses lunettes hublot, et ses pieds de nez Sotha, qui n’est pas née de la dernière pluie, connaît ses classiques et sa comédie de cape et d'épée sans lame est fidèle à l'oeuvre originale dont elle conserve l'hallucinant mélange des genres et dans lequel non seulement elle brasse les références littéraires et théâtrales, et même musicales avec la Madeleine de Brel et la Roxane de Police, mais instille également quelques vers bien sentis sur, entre autres autres, la gouvernance contemporaine.
Dans la tonalité appuyée du théâtre de tréteaux induite par la proximité de la scène surélevée du Café de la Gare, de la farce à la tragédie en passant par la commedia dell'arte et le mélodrame néo-romantique, l'histoire épique de Cyrano est enrichie d'inventions dont elle a le secret, comme un acte sur sa jeunesse de Savinien-Pinocchio, un Cyrano à plusieurs visages ou l'étonnante rencontre d'Artagnan, Cyrano, Molière et Corneille.
Dans des décors sur rideaux à tirette manipulés à vue, elle est narrée par un quintet de comédiens épatants, un brin frénétiques - la mise en scène ne faisant pas dans le languissant - et rigolos fregolis, "multicartes" qui assurent à eux seuls tous les personnages principaux et savent dire les vers mais préfèrent ne pas ôter le pain de la bouche de leurs homologues du Palais Royal qui assure un divertissement bétonné.
Les Manesse père et fils ne font pas dans la dentelle. Le premier, Philippe Manesse, clown génial, multiplie les compositions hautes en couleurs, de Cyrano enfant au moine marieur en passant par le cuisinier aux pâtés et la nonne confiturière. Le second, Timothée Manesse, n'est pas en reste pour partir en vrille.
Avec son physique avantageux et un bon sens de l'autodérision, Pierre-Jean Cherer se délecte des rôles de fier à bras ridicules et Ange Ruzé est un Cyrano fataliste et dépressif particulièrement savoureux.
Et les quatre énergumènes ont trouvé à qui parler avec Christine Anglio, la pleurnicheuse malicieuse de l'inoxydable "Arrête de pleurer Pénélope", dont la palette de mimiques aurait fait pâlir le mime Marceau.
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