Comédie dramatique de Peter Handke, mise en scène de Gwenaël Morin, avec Mounira Barbouche, Mélanie Bourgeois, Alexandre Michel, Gianfranco Poddighe, Thomas Poulard et Natalie Royer.
La saison passée, Gwenaël Morin et sa troupe présentaient leurs travaux réalisés dans le cadre du Théâtre permanent au Théâtre de la Bastille.
Cette expérience théâtrale, menée dès 2009 aux Laboratoires d'Aubervilliers, se basait sur des ateliers ouverts aux publics où les comédiens, avant les représentations du soir et les répétitions de l'après-midi, cherchaient à transmettre leurs rôles aux amateurs.
De ces rencontres naissaient des propositions qui modifiaient le spectacle du jour, revisitant ainsi le concept de spectacle vivant, toujours en mouvement. En adaptant via cet outil des classiques tels que "Woyzeck", "Tartuffe" ou "Bérénice" Gwenaël Morin avait pu mener d'intéressantes réflexions sur divers aspects du jeu théâtral.
Cette saison, il présente un travail différent, mené au départ avec quelques élèves de l'école de la Comédie de Saint-Etienne, et qui s'inscrit toujours dans la continuité de ses réflexions théâtrales.
Au départ il s'agissait d'adapter avec plusieurs groupes d'étudiants un texte contemporain de Peter Handke, "Introspection", posant la question du "je". Il s'agit en effet d'un monologue écrit à la première personne et affirmant dans l'accumulation d'auto-affirmation l'existence d'un personnage. Il est ainsi intéressant pour des jeunes comédiens de se confronter au double questionnement du "je" en tant qu'acteur de sa propre vie et "je" en tant qu'acteur de théâtre.
Chemin faisant, et réalisant l'intérêt du texte dans le cadre de ses propres réflexions, Gwenaël Morin a cherché à renouveler et à approfondir le travail engagé avec des comédiens d'horizons et de générations différentes tout en continuant de solliciter les élèves de la Comédie de Saint-Etienne qui participent au spectacle en alternance. Il transforme alors le monologue écrit pour deux par Peter Handke, en chœur, poussant ainsi la réflexion sur la relativité du point d'affirmation du "je".
Là où Peter Handke affirme cette relativité en écrivant son texte pour deux personnages mais sans répartir clairement les rôles, laissant ainsi la responsabilité aux comédiens de se donner la parole selon leur propre interprétation, Gwenaël Morin, lui, revisite le concept en se faisant le chef d'orchestre d'un ensemble qui, tout en poursuivant l'uniformité de propos souligne le pluralisme identitaire par les dissonances inévitables qui naissent de la retranscription de ce "je" qui n'existe finalement que par la parole qu'on adresse et donc par "l'autre". On admirera au passage la difficulté technique de la synchronisation des huit voix présentes sur scène.
L'utilisation du chœur permet également une réflexion sur la contemporanéité de cette forme théâtrale antique en explorant le caractère musical que permet l'ensemble. La parole, douce, emportée, calme ou urgente, se transmet alors autant par les mots que par le rythme et devient polymorphe, chaque ajout de voix en questionnant l'intégrité globale.
Gwenaël Morin continue donc par ce spectacle son cheminement intellectuel et prouve que le théâtre est par excellence un spectacle vivant, en constante évolution et en connexion directe avec son époque et ses spectateurs.
Malgré une forme courte de 45 minutes à peine, le propos se dilue légèrement sur la longueur puisque l'ensemble du questionnement est posé dès le premier quart d'heure de la pièce. Positivement ou négativement on ne peut ressortir de ce spectacle indifférent. |