Jean-Jacques Henner, peintre officiel du Second Empire et de la Troisième République qui pratique un académisme atypique en étant à la croisée du romantisme, du naturalisme et de l'impressionnisme, est surtout connu par ses portraits et ses nus récurrents de femme à l'abondante chevelure rousse.
Avec "De l'impression au rêve - Paysages de Henner", le Musée National Jean-Jacques Henner propose au public de découvrir un autre registre de son oeuvre, celui de la peinture de paysage.
Toutefois, la sélection de près d'une centaine de peintures et dessins restaurés qui ont été sortis des réserves du musée ne se limite pas un simple accrochage thématique, en l'occurrence selon l'usage du 19ème siècle dans les pièces et l'atelier de l'ancien hôtel particulier du peintre Guillaume Dubufe devenu le Musée Henner, pour un peintre qui, de surcroît, n'est pas un paysagiste.
En effet, elle tend, comme l'indique Marie-Hélène Lavallée, directrice du Musée National Jean-Jacques Henner et commissaire de l'exposition, à "montrer que son rapport au paysage est un leitmotiv dans son œuvre" et reflète l'évolution de son style pictural.
Le paysage imaginaire, le paysage idéal de Jean-Jacques Henner
Peintre de formation néo-classique, Henner pratique l'exercice académique de la peinture de paysage d'après nature qu'il détourne ensuite à sa manière pour se constituer "un répertoire" de motifs dans lequel il puisera pour créer en atelier le paysage imaginaire dans lequel il enchâssera ses emblématiques figures féminines.
Ces paysages ce sont ceux d'Italie, où il s'adonne au voyage des grands hommes du 18ème siècle grâce à son statut de pensionnaire de la Villa Médicis suite à l'obtention du Grand Prix de Rome de peinture en 1858.
"Je fais des études d’après nature, car le pays est superbe, et ces études sont de très précieux souvenirs pour plus tard" écrit-il d'un pays qui le fascine et où il travaille notamment les jeux de lumière.
Mais ce sont surtout ceux de sa région natale, l'Alsace - l'Alsace observée et rêvée puis, après la guerre de 1870, l'Alsace perdue et sublimée - dont l'iconographie, comme le note la commissaire traduit l'évolution picturale du réalisme à l'évocation en passant par l'impression.
Il travaille sur les couleurs et les formes et dégage les motifs essentiels qui seront ensuite repris pour brosser le paysage idéal dans lequel il enchâsse ses nus.
"Deux taches blanches qui sont des femmes, sur une tache verte et une tache bleue, qui forment un fond d’arbres et un ciel".
Et voilà les paysages en contre-jour à peine esquissés qui recèlent les créatures à la peau laiteuse et à la longue chevelure rousse.
Inspirées par Le Titien, traitées en sfumato, les femmes, naïades ou nymphes, irradient la toile ("L'Eglogue", "Idylle").
Dans l'ancien atelier, en regard des toiles monumentales de la collection permanente dont les célèbres "La Vérité" et "les Naïades", l'exposition confronte deux déclinaisons du paysage idyllique et intemporel de Henner à partir des variations de de "La Source" et de la "Nymphe surprise se coiffant".
D'une part, le paysage crépusculaire résultant de l'Alsace sublimée avec les buissons et l'étang, parfois juste une trouée de ciel, et, d'autre part, un paysage plus italianisant avec l'introduction de l'ocre dans la palette chromatique.
A découvrir donc pour voir peut-être autrement l'art de Henner. |