Je suis allé à une messe étrange dans une église aux néons rouges flamboyants, située au fond d’une zone industrielle. Etait-ce à Chicago ? En Louisiane peut-être… Un drôle d’endroit. Le prêtre qui était un grand gaillard au physique impressionnant officiait près de guitares électriques et d’un nombre important de synthés analogiques en lieu et place du grand orgue traditionnel. Sa psalmodie avait la couleur de la prosodie du blues originel. Les croyants qui assistaient à l’office étaient en transe. Les vitraux de cette église représentaient les apôtres de cette religion : Debbie Harry, Johnny Cash, Blind Willie Johnson, Elvis, Jon Spencer Blues Explosion, ZZ Top, Nick Cave, J.B. Lenoir, et deux statues étaient dressées en hommage à Dave Gahan et Martin L. Gore.
Une certaine tension régnait et les corps des paroissiens de cette église défroquée et diaboliquement garage suaient. Le prêtre en prédicateur rock and roll (et rhythm and blues) parlait de la vie, de ses aléas, de l’existence, de l’amour, de la solitude. De quoi se demander quel démon habitait cet homme qui nous faisait bouger de cette manière et qui invoquait Dieu, le diable, la luxure, la prière et le pardon.
Ce maître de cérémonie est connu sous le nom d’Arnaud Rebotini, d’autres l’ont déjà vu dans le monde de l’électro-clash, de la techno, du disco synthétique ou du rock garage "testostéroné" à l'électro. Après avoir brûlé sa propre chapelle (faire table rase du passé et s’ouvrir à toutes ses influences, à toutes ses envies ?) en 2007, il capture avec ce Godforsaken Roads l’esprit d’un blues (gammes pentatoniques mineures, Blue notes, rythmiques particulières…) contemporain plutôt urbain et le mélange avec une musique synthétique moite et groovy.
La production de ce disque, faite par Rebotini lui-même est superbe et dépasse celle de Burn Your Own Church pourtant réalisée par Paul Epworth et par Alan Moulder. C’est sexy et tranchant, électrique, chaud et rugueux, dense et fiévreux à souhait. Mais c’est aussi un disque peut-être plus intime, l’introspection faisant partie inhérente à ce genre de musique. Il vous faudra moins d’une minute pour être emporté par ce disque, par la fièvre, par le titre "Broken Phone Blues".
Une fièvre qui ne vous quittera plus même sur les titres plus lents (comme la reprise sépulcrale de "Folsom Prison Blues" de Johnny Cash qui opère comme une respiration au milieu du disque). Terrible !
|