Spectacle écrit et mis en scène par Frédéric Sonntag, avec Lisa Sans, Fleur Sulmont, Alexandre Cardin, Florent Guyot et Jérémie Sonntag.
"George Kaplan" ou comment le nom d'un personnage fictif, le macguffin hitchcockien du célèbrissime film "La mort aux trousses", devient un support idéologique, un stéréotype télévisuel et un enjeu politique.
Frédéric Sonntag a élaboré une époustouflante, et excellente, partition dans lesquelles, par une astucieuse combinatoire entre les interactions entre la réalité, la fiction et la représentation et donc les accointances entre le réel et le théâtre, est proposée une grille de décryptage du rôle de la fiction comme instrument stratégique de manipulation des masses.
Si la thématique n'est certes pas nouvelle, elle est traitée de manière aussi astucieuse que percutante et soutenue par une interprétation efficace.
En effet, il a conçu son projet de manière singulière en la forme avec trois déclinaisons-miroir en engrenage, et en écho, autour d'une situation unique - celle d'une réunion d'un petit groupe de personnes - de deux objets symboliques qui y sont attachés - la table et la machine à café - et d'un leurre - George Kaplan - qui militent, de manière divertissante et néanmoins sérieuse, en faveur du discernement.
Tout commence avec une table de cuisine, une cafetière de ménage et cinq pieds nickelés, fédérés à la manière d'une cellule terroriste au sein du "GGK", Groupe George Kaplan, qui veulent dénoncer les failles et dérives de l'appareil médiatique par la diffusion d'une vidéo, acte artistique à dimension sociale ou l'inverse, dans laquelle ils apparaitraient masqués. Mais le groupe est au bord de l'implosion idéologique.
Un autre quintet, celui des egos, proche d'un avatar du premier par une certaine parenté des personnages et interprété par les mêmes comédiens - Lisa Sans, Fleur Sulmont, Alexandre Cardin, Florent Guyot et Jérémie Sonntag tous parfaits - se retrouve dans un confortable bureau hollywoodien avec table design et machine expresso pour la première séance de brainstorming entre écrivain, scénaristes et dialoguiste affairés autour d'un projet de série-catastrophe télévisée articulée autour d'un personnage principal stéréotypé qui se nommerait George Kaplan.
Enfin, dans l'antre secrète d'une cellule toute aussi secrète composées d'éminences grises au coeur du pouvoir, belle table cossue et service à café en porcelaine, un quintet de fonctionnaires encostumés à l'identique s'interrogent sur un l'apparition soudaine d'une récurrence autour d'un nom inconnu, celui de George Kaplan, qui pourrait constituer une menace pour le régime ou pour la sécurité intérieure.
Si chaque séquence peut s'appréhender comme un divertissement bien ficelé tant au plan de l'écriture que de la structure dramaturgique, elle est doublée d'une réflexion pointue qui émerge de la confrontation des points de vue des personnages qui sont dotés de caractères nettement individualisés et est également pourvue, selon le parti-pris du parallélisme des formes, d'un inattendu épilogue en images. |