Projet théâtral de Pierre Meunier conçu et imaginé avec Marguerite Bordat à partir d'un texte de Babouillec, avec Freddy Kunze, Pierre Meunier, Satchie Noro et Jean-François Pauvros.
Parmi les grands oubliés des Césars 2017, il y a "Dernières nouvelles du cosmos". Nul doute que si le documentaire consacré par Julie Bertucelli à Hélène Nicolas avait été retenu dans la dernière sélection, le film aurait remporté le trophée...
Un trophée qui n'aurait pas dépareillé le plateau de "Forbiden di sporgersi". Car Hélène Nicolas n'est autre que "Babouillec", la jeune femme sans paroles, l'artiste autiste, dont les textes inspirent la dernière création de Pierre Meunier et de Marguerite Bordat.
Dans "Dernières nouvelles du cosmos", on pouvait déjà avoir un aperçu de ce travail puisque Julie Bertucelli avait filmé des extraits de ce qui est devenu "Forbiden di sporgersi"
Si Babouillec/Hélène est annoncée sur la scène, c'est en fait dans le public qu'elle passe toute la représentation. Et son rire, communicatif, est le métronome des élucubrations de Pierre Meunier et de ses compagnons, Freddy Kunze, Satchie Noro et Jean-François Pauvros.
Comment résumer "Forbidden di sporgersi" ? On pourrait dire que c'est l'improbable rencontre des Branquignols et de Raymond Roussel, d'un univers absurde et d'un imaginaire implacable, d'une bande de post-clowns loufoques et de machins farfelus ou de machines aberrantes. Et tout cela avec des mots et des lettres qui évoquent les fulgurances quasi-rimbaldiennes de Babouillec.
C'est dire si ce spectacle qui ne fait place à la parole que pour ces mots venus de son pays à elle n'est pas raisonnable. Et cette déraison, on la nommera poésie, poésie qui est aussi saugrenue que bien venue.
On recommandera, dans ce trop court moment qui transforme tout spectateur en autiste d'honneur, un final époustouflant d'invention qui rappellera aux habitués du Centre Pompidou les machines de Jean Tinguely.
Un final qui correspond bien au message de celle qui écrit sans savoir écrire, et parle très fort sans pouvoir dire un mot, celle qui affirme que : "Une ni entière ni uniformisée machine ne libérera notre verticale insoumise".
Car les machines de Pierre Meunier, comme les mots de Babouillec, ne sont pas là pour servir ni asservir, mais pour faire assaut de liberté et combattre la morosité. Cette belle leçon, ou plutôt anti-leçon, est à méditer en se souvenant de ces moments inattendues où le rire tonitruant de Babouillec jaillissait pour exprimer tout son bonheur d'avoir dit et d'avoir vu. |