Comédie de Molière mise en scène de Ludovic Lagarde, avec avec Marion Barché, Myrtille Bordier, Louise Dupuis, Alexandre Pallu, Laurent Poitrenaux, Tom Politano, Julien Storini, Christèle Tual et Jean-Luc Briand, Élie Chapus, Benjamin Dussud, Sophie Engel, Zacharie Jourdain, Élodie Leau, Benoît Muzard. Dans "L'Avare", un des opus majeurs de Molière, mis en scène de manière recontextualisée par Ludovic Lagarde, dès la première scène, le ton est donné.
La fille d'Harpagon et son amoureux, qui ne se contentent plus de roucoulades platoniques, émergent à moitié nus, ridicules avec le pantalon sur les chevilles tels dans un vaudeville, d'un container qui se révèlera truck food.
Contrairement à ses homologues tels Jacques Osinski et Nicolas Liautard, Ludovic Lagarde ne place pas derechef l'opus dans une atmosphère de tragi-comédie noire mais joue à fond la carte comique au demeurant présente dans le texte original dans lequel coexistent de manière presque paradoxale une prose subtile et une accumulation d’effets propices à débauche gestuelle destinés à susciter le rire portés par des personnages hérités de la commedia dell'arte.
Ainsi, il opte pour une mise en scène en montagnes russes, entre grotesque et tragique, rire et effarement, qui cahote bien le spectateur avant de le sidérer en s'affranchissant du dénouement féérique, avec un avare qui n'est pas un barbon radin mais un homme dans sa maturité dont le vice de l'avarice et la passion de l'or, en sus sources de troubles pathologiques délirants associés dont l'agressivité et la paranoïa, traduisent l'angoisse du manque, dont l'angoisse de la perte dès lors que sa psychose s'est installée à la mort de son épouse.
Dans la scénographie de Antoine Vasseur, une pièce d'appartement lambrissée transformée en zone de stockage dont l'empilement de cartons évoque celui conçu par James Brandily pour "The Beggar's Opera" mis en scène par Robert Carsen, les comédiens excellent à se répandre en numéros d'acteur, avec force mimiques, attitudes et/ou postures important des clichés contemporains, non seulement surjouées mais portées parfois à l'extrême de la trivialité telle, par exemple, la fouille au corps opérée par Harpagon à l'encontre de son valet suspecté de vol.
Car le bougre exerce également une tyrannie domestique, favorisée par le lien de subordination envers le personnel ancillaire et l'autorité paternelles sur les enfants, qui se traduit tant par la manipulation perverse qu'une violence physique jusqu'au sadisme avec force hémoglobine et, se promenant avec sa carabine, à la menace de mort.
Dans son entourage, seuls le cuisinier-cocher (Louise Dupuis), arc-bouté sur son franc parler, sa fille (Myrtille Bordier), qui tente une résistance façon "Femen", et l'amoureuse du fils (Marion Barché), taraudée par la nécessité économique, ne cèdent pas à la compromission.
Le prétendant (Alexandre Pallu) flagorneur pour la bonne cause, manifeste néanmoins une réelle propension au cynisme opportuniste, le fils déjà aguerri aux expédients(Tom Politano), est prêt au pire pour jouir au présent de la fortune paternelle, et le valet (Julien Storini) s'avère un homme à tout faire prompt à faire "flèche" de tout bois. Dans le rôle de l'entremetteuse manière femme d'affaires à "pilot case", Christèle Tual propose une ébouriffante composition de femme éméchée et dans celui du personnage-titre, celle de Laurent Poitrenaux s'avère vibrionnante. Magnfique comédien versé dans l'éloquence dramatique, il prend en l'espèce un malin et jubilatoire plaisir à se laisser aller, sans état d'âme, et sous les auspices et ressorts des maîtres du rire, de Jerry Lewis, brève apparition dans l'écran de surveillance du pingre, à Louis de Funès, au comique débridé. |