Réalisé par Juan José Lozano et Zoltan Horvath. Espagne. Animation. 1h31 (Sortie 22 juin 2022).
"Jungle Rouge" de Juan José Lozano et Zoltan Horvath est théoriquement un film d'animation. Il a pour sujet la guérilla des FARC en Colombie, à l'ère où celle-ci est en pleine déliquescence, s'interroge sur le bien-fondé d'un combat révolutionnaire qui est en pleine agonie.
Perdus en pleine jungle, fatigués, usés par des années de combat, les combattants révolutionnaires ont perdu de leur superbe. Ils agissent presque mécaniquement, enfermés dans une rhétorique révolutionnaire qui leur sert de méthode Coué.
Ils ne sont plus que quelques centaines, voire quelques dizaines de plus en isolés les uns des autres. Aucun signe favorable ne leur permet objectivement de croire que toutes ces années passées parmi les moustiques et la moiteur puante de forêts tropicales ont eu un sens. Et pourtant, ils continuent de développer le même discours révolutionnaire, de répéter que la victoire est au bout du fusil et que les forces impérialistes sont à l'agonie...
"Jungle Rouge" de Juan José Lozano et Zoltan Horvath est une œuvre pessimiste, oppressante; décrivant la paranoïa révolutionnaire. Le choix d'une animation nerveuse, brouillon, où l'on a filmé sur fond vert des personnages réels avant de les retransformer en personnages animés donne à toute l'entreprise un côté pathétique et dérisoire.
On se croirait dans une fiction torride de Werner Herzog, comme "Aguirre, la colère de Dieu" ou "Fitzcarraldo". Ce traitement animé aux couleurs criardes donne à "Jungle Rouge" une vraie singularité. En suivant ces derniers combattants d'une cause perdue, on pense évidemment à la fin du "Che", Ernesto Guevara, dans l'enfer de la forêt bolivienne.
A l'heure où les utopies, mêmes les plus sanglantes, n'ont plus cours, "Jungle Rouge" de Juan José Lozano et Zoltan Horvath clôture toute une époque qui a fasciné énormément de jeunes gens en Occident. Dans ce naufrage gluant où tout est promis à l'abîme, on assiste à la fin définitive des idéaux marxistes. "Jungle rouge" marque pour l'animation, ce que "Apocalypse Now" de Francis Ford Coppola datait pour la fiction.
Il n'y a désormais plus rien à attendre d'un monde où ne règne plus qu'à bas bruit l'horreur. Plus rien à espérer. Dans ce carnage ultime, tout n'est que néant. Et pas question d'en rire. |