In Dearland sort actuellement dans les quelques rares bons magasins de France et de Navarre. Si la crise a su épargner votre département, vous devriez sans trop de difficultés parvenir à le trouver et transformer votre quotidien rural en une autoroute américaine avec des vieux qui chiquent sur le bord de la route.
Des disques tels que le deuxième d’Elvis Perkins, il en sort surement des dizaines par mois aux States, mais vu d’ici (de France, un pays où Renan Luce, les crooneurs aux Ukulélé, passent en prime time, quitte à être considérés comme des demi-dieux à moitiés trépanés) c’est un quart d’heure américain qui ne peut laisser insensible.
A cheval entre la chorale pastorale et le blues emporté, le disque de Perkins enchaine les singles en collier de perles, une poignée de chansons magnifiques, enlevés, soutenus par une voix qui a trouvé le bon chemin. Il y a du Cash chez Elvis, fils d’Anthony Perkins qui ne doit rien à personne. Et surtout pas au destin. La profession du songwriter, Perkins (le fils) la maitrise aujourd’hui sur cet album. Il parle aux fantômes, communique tantôt avec sa famille décédée, tantôt avec le continent perdu, cette mystérieuse ile déserte ou Dylan, Mc Cartney, Lennon et Elvis (Presley) auraient élu domicile depuis bien longtemps.
A l’heure des conclusions journalistiques, Elvis Perkins se prête au jeu du question-réponse avec un intervieweur qui, s’il n’a pas beaucoup préparé ses questions, a tout de même adoré In dearland.
Ce deuxième album est sacrément bon, il semble même plus rock, autant que ce mot ne soit pas éculé… plus énervé en fait.
Il crie plus, tu as raison. Et puis pourquoi pas d’ailleurs hein ?
Ah ah ah ! Ok, question suivante. Mais j’insiste. Quelle est la raison de cette évolution ? Le son est plus dur, il s’inscrit parfaitement dans la lignée du dernier album solo de Dan Auerbach (Black Keys). Vous avez totalement évacué la country par exemple, par rapport au premier album.
Nous étions sur la route au moment de la composition de In Dearland, et moi-même j’étais plus enclin à jouer dur et fort, provoquer la foule, plus que sur le premier. Inviter les gens à monter sur scène, par exemple, inciter au bordel, provoquer la dynamique. La "logistique" qui consiste à chanter sur scène a évolué, c’est un fait.
C’est une question qui arrive assez tôt dans l’interview, mais la chanson d’ouverture ressemble fortement à 74-75 des Connels, on vous l’a déjà demandé avant ou suis-je le seul ?
(Devant la mine étonnée du groupe je siffle le refrain et m’enfonce dans une pathétique tentative d’interprétation de 74-75)
On connaît même pas ce groupe tu vois, en plus tu la chantes assez mal, désolé on voit pas trop hin hin.
Je persévère avec mes références débiles. Lennon t’a-t-il influencé ? Ta voix est étrangement proche de la sienne sur une chanson telle que Hours last stand.
Pas plus que des milliers d’autres références. On aime énormément Plastic Ono Band, mais de là à dire que Lennon m’a influencé, il y a un pas que seuls les journalistes oseront franchir.
Okay okay…. Bon je vous promets que la prochaine question est meilleure.
Il vaudrait mieux pour toi mec. (Rires)
Vu d’ici, en France, il semble que le rock américain se porte plutôt mal, je parle de celui qui affirme ses origines, de Dylan à Guthrie en passant par le blues, comme l’excellent label Alive Records qui publie les Black Keys, Nathaniel Mayer, etc… Quelle est votre position sur l’échiquier, en tant que groupe.
Nous existons, c’est le point de départ. Nous n’appartenons à aucune scène spécifique. Il y a d’incroyables groupes à Brooklyn, Portland, etc… Beaucoup parlent d’Animal Collective, mais sans que nous crachions dessus, je ne vois pas trop de points communs avec notre propre musique.
Votre leitmotiv est-il de prolonger la magie des sixties ? I’ll be arriving ou Send my fond regards to lonelyville, sur deux registres différents, creusent un sillon vieux de plusieurs décennies.
C’est faux de penser que nous déterrons les 60’, on pioche autant dans les 50’ que les 80’, et à la limite nous ne tentons même pas de regarder en arrière. C’était bien cette période, tout comme le futur, mais on joue juste selon le feeling, comme un groupe. Il y a les muscles, le sang, à travers la rythmique, et le cerveau. Pour te donner une bonne métaphore, Elvis Perkins, le groupe, c’est comme un œuf. Il y a la coquille, mais également Elvis Perkins, l’homme-compositeur. Je suis le jaune d’œuf, et tout se mélange. Voilà.
Bon, à ce stade, vous aurez compris que je suis assez fainéant sur les questions que je pose. C’est pareil pour les paroles, je ne les écoute jamais. Si tu devais résumer le message global du disque, tu dirais quoi ?
Plusieurs histoires se mélangent, il n’y pas un seul fil conducteur. Tout s’est gentiment mélangé à l’enregistrement, entre les comptines folk et les chansons plus fuzzy. Il faut dire que je suis plutôt ambivalent dans la composition, et cela se retrouve parfaitement sur In dearland. Si nous devions te tirer une influence 60’ du chapeau, ce serait surement The Band, sans qu’il y ait forcément un message fort et cohérent. Il n’y a pas de référence à la guerre du Vietnam dans notre musique, pas de propos volontairement subversifs ou destinés à guider ta vie.
En définitive, c’est un album taillé pour le live non ? Je me souviens de votre passage à La route du rock en 2006, je n’avais pas voulu vous voir, en fait je vous trouvais chiant sans trop connaître, trop country, trop nice….
Tu cherches la guerre toi hein (rires) ? Mais tu as raison, In Dearland est beaucoup mieux adapté à la scène que ne l’était Ash Wednesday.
Compte tenu de votre passé lourd de conséquences, peut-on conclure en disant que ce deuxième album est sensé asseoir votre réputation de songwriter assumé ?
Tu sais… On me posait énormément de questions sur ma famille avant le premier album, on continue aujourd’hui à m’en poser tout autant… je ne sais pas quoi faire pour en sortir. Alors effectivement, j’écris des chansons, et oui, celles du nouvel album me semble plus assumées, dans leur structure et dans le message. T’as d’autres questions ?
Non plus vraiment. Elle était étrange cette interview non ?
Ah bon, tu trouves ?
C’est toujours paradoxal de faire parler des musiciens sur un album parfait en fait… |