Pour la Cinémathèque Française, la rentrée muséale est placée sous le signe de la chevelure féminine avec une exposition "arts et cinéma" intitulée "Brune Blonde".
Sous titrée "La chevelure dans l'art et le cinéma", cette exposition annonce une entreprise ambitieuse s'agissant d'une mise en résonance de l'Histoire de l'art portant sur plus de deux mille ans et d'un 7ème art à pleine plus que centenaire.
A quoi, le commissaire Alain Bergala, critique de cinéma, scénariste, réalisateur et enseignant, ajoute trois objectifs dont chacun suffirait à l'élaboration d'une copieuse monstration.
En effet, il souhaite "mettre en regard le cinéma classique et le cinéma de la marge, le cinéma d'Occident et le cinéma d'Orient, le cinéma d'hier et le cinéma d'aujourd'hui, mettre en valeur des archives télévisuelles rares évoquant, au sein de diverses aires culturelles l'influence de l'imaginaire cinématographique sur la société et montrer les interactions conscientes et inconscientes que le cinéma entretient avec les autres arts dans la représentation de la beauté et du mystère féminin".
Toutefois, le parcours de l'exposition, scandé en cinq étapes thématiques scénographiées par Nathalie Crinière, ne coïncide pas vraiment, du moins de manière évidente, avec cette note d'intention ("Le Mythe", "Histoire et Géographie de la chevelure", "Gestuelle", "Grands scénarios" c'est-à-dire la chevelure au cœur de la fiction et "Vers l'abstraction, le cheveu-matière").
Le visiteur qui n'est ni historien d'art ni cinéphile ultime aura sans doute du mal à discerner intuitivement dans l'accrochage pictural et photographique ponctué de la diffusion de nombreux extraits de films,
le "jeu d’inspirations, de coïncidences, de correspondances" dont
Matthieu Orléan précise qu'il est prévu pour "créer du sens tout en sachant provoquer les attentes du visiteur".
Alors au visiteur de se faire son cinéma sauf à consulter préalablement, l'excellente exposition virtuelle mise en ligne sur le site de la Cinémathèque dont la coordination a été assurée par Marion Langlois, chargée des éditions en ligne, la coordination éditoriale par Cécile Dubost et Bernard Benoliel et le graphisme et conception permettant de surcroît une navigation aisée et pertinente par Nicolas Le Thierry d'Ennequin.
Destinée à être progressivement enrichie, elle comporte une large sélection des oeuvres exposées et des films s'y rattachant, abondamment commentés et mis judicieusement en résonance ainsi que des archives audiovisuelles et des entretiens inédits.
La symbolique plurielle de la chevelure féminine dans tous ses états
Dans une cinémathèque phagocytée par une gigantesque sculpture (The Isolated Child") réalisée par Alice Anderson à partir du matériau utilisé pour les cheveux de poupées, placée sous le signe de Penelope Cruz, une brune incendiaire qui ne compte pas pour des prunes que Pedro Almodovar a emperruquée en Marilyn pour le film "Etreintes brisées" - impossible de ne pas songer à Orson Welles qui démythifia la (fausse) rousse Rita Hayworth de "Gilda" en la teignant en blonde pour "La Dame de Shanghai" - l'exposition "échevelée" atteste de la difficulté d'une synthèse du sujet.
Car sur toile, sur papier ou sur pellicule, la symbolique plurielle de la chevelure féminine est résolument placée sous le signe de l'ambiguité, de la fascination archaïque au fétichisme sexuel fantasmatique.
Toutefois, au cinéma, une réalité s'impose celle de l'impérialisme de la blonde, et plus précisément de la fausse blonde aux déclinaisons multiples. Au début du 20ème siècle, créée de toutes pièces par Hollywood, la bombe platine détrône la vraie blonde, incarnation de la pureté et de l'ingénuité, et la brune vamp sulfureuse à la Louise Brooks.
Depuis elle est mise à toutes les sauces de la garce à la bombe sexuelle en passant par le blond chic et morbide qu'illustrent maints extraits de films.
Alors, la blonde, objet ultime du désir masculin ou idéal sociétal imposé ? Face à elle la brune occidentale fait de la résistance et est souvent cantonnée au rôle de double. Et la rousse ? Et bien malgré l'avènement du Technicolor elle reste en retrait par rapport à sa vogue picturale à la fin du 19ème siècle.
Cela étant, le visiteur pourra voir, revoir ou découvrir l'oeuvre de photographes consacrés, de Man Ray à Bettina Rheims et de valeurs sûres de la peinture moderne (Picasso, Picabia, Fernand Léger).
Pour l'art contemporain, ce spnt essentiellement des artistes plasticiens-performers particulièrement versés dans l'art corporel, de Michel Journiac à Marina Abramovic.
Et curieusement, mais fait de la sélection du commissaire ou réalité, parmi les oeuvres les plus récentes exposées la thématique semble avoir davantage inspiré les femmes
(Nina Childress, Camille Henriot, Marie Drouet, Ellen Gallagher...).
Bien évidemment curieux et cinéphiles poursuivront cette visite par le visionnage du florilège de films programmés par la Cinémathèque dans le cadre du cycle Brune/Blonde truffé de raretés qui se déroule jusqu'au 22 novembre 2010. |