Jacques
Weber dit Molière, Duras, Musset, Artaud, Maïakovski,
Couteline, Baudelaire, La Fontaine, Claudel, Corneille, Flaubert,
Rimbaud...
Jacques Weber, l’hercule lourd
et massif se mue en garçonnet timide qui se livre à
la dure tâche de la récitation scolaire sur l’estrade
d’une salle de classe d’un autre âge. Il y met
du cœur, triture sa jambe de pantalon et avant que la fable
Le corbeau et le renard ne devienne un infâme brouet, il renonce
à poursuivre ce pénible exercice qu’il balaye
d’un revers de main et d’un regard complice vers le
public.
Le spectacle "Seul en scène", qu’il reprend
pour quelques représentations exceptionnelles cet été,
vient de commencer sous les yeux d’un public déjà
conquis. Le one-man-show plutôt car c’est bien de cela
dont il s’agit. Jacques Weber fait son one mais pas dans un
café-théâtre en jouant son propre rôle
ou son propre texte. Non, ce grand monsieur de théâtre
fait son one avec les textes des autres et des textes d’auteurs
célèbres et reconnus.
Il nous raconte une vie d’homme, de comédien, de
l’enfance à la mort grâce à de somptueux
textes pour la plupart dits classiques qui fleurent bon le Lagarde
et Michard. Ce ne sont pas des textes lus, à l’exception
de celui de Marguerite Duras, mais des textes joués, interprétés,
disséques pour en tirer le meilleur, le plus subtil, qu'il
offre au public tout en s'en délectant.
Il jongle avec les mots, virevolte sur la scène, dialogue
avec le public. Et il s'y entend le bougre car il a du métier
et du talent, un peu trop même ce qui ne le met pas à
l'abri de quelques facilités. Mais ne boudons pas notre plaisir.
Un bémol cependant : Jacques Weber disant Marguerite Duras.
La musique n’y est pas parce qu’il s’agit d’une
musique de femme et qu’il est impossible de ne pas se remémorer
les mots de Duras dans la bouche de Delphine Seyrig, Madeleine Barraud,
Jeanne Moreau ou Bulle Ogier.
De même pour le sketch du double de Raymond Devos qui convainc
moins s’agissant d’une prose terriblement connotée
; il nous manque la binette effarée et malicieuse de l'auteur.
Cela étant, "Seul en scène" emporte la
conviction de public dont les rires et l'enthousiasme atteignent
leur apogée sur une version tout à fait désopilante
du Corbeau et du Renard traité comme un amusant et excellent
exercice de diction et d’interprétation à la
manière des leçons que donnaient les professeurs de
cours d’art dramatiques d'antan.
Allez ...merci Monsieur Weber !
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