Avec "Tous nos petits morceaux", Emmanuelle Urien se confronte avec originalité et succès à l'exercice de style que constitue l'écriture de nouvelles qui permet d'embrasser plusieurs genres et user de différents registres.
Sur le thème du miroir et avec l'artifice de l'anthropomorphisme, elle donne la parole à un miroir, sans toutefois lui attribuer une âme ou de véritables affects, qui devient le narrateur de petites histoires courtes souvent noires.
Des histoires de miroir confrontés au drame ultime pour un miroir, celui d'être confinés dans l'obscurité qu'il s'agissent d'une collection curieusement entreposée dans une cave attendant impatiemment le faible rai vital de lumière dispensé par le soupirail ("Eclats de miroir") ou plus simplement dans une poche ("L'article de la mort").
Emmanuelle Urien décline aussi le miroir témoin, témoin bavard quand ils sont plusieurs à se faire leur cinéma à partir de leurs images croisées du quotidien ("Tentative réussie d'approche de l'infini") ou témoin muet et impuissant de la folie des hommes ("Témoin spéculaire", "La corde pour se pendre", "Gentille Alouette", "Le signe du miroir").
Elle explore également dans un style réaliste une autre fonction du miroir celle de producteur d'une image dépourvue de tout manichéisme mais sur laquelle le regardant va projeter son besoin de révélation ("Voir Dieu") ou sa névrose ("Psyché et Thanatos") ou puiser sa force salutaire ("Le jour où la neige a recouvert la plage").
Les deux derniers textes, "Vous êtes tous des anamorphoses" et "Le jeu du miroir", s'inscrivent dans un registre différent, celui du symbolisme et du fantastique, qui tient à la symbolique du miroir, le miroir lié au thème de l'eau, au mythe de Narcisse et à la fameuse traversée du miroir, qui lui permettent de tisser deux histoires à l'inquiétante étrangeté.
|