Nicolas Gautier, ex DJ et producteur de concerts, aujourd'hui directeur artistique d'un label chez Universal Music, connaît bien la musique (sic) et les arcanes de l'industrie du disque dont les magnats d'aujourd'hui ne sont ni des philanthropes ni des mécènes soutenant la création musicale mais des multinationales financières qui exigent de juteux retours sur investissement, permettant de satisfaire les conséquentes distributions de dividendes attendues des actionnaires.
Et, plus prosaïquement, cette stratégie de "faire pisser la vigne" n'implique pas seulement d'assimiler les artistes à des produits de consommation au même titre que les barils de lessive mais également de considérer l'amateur de musique, au sens large du terme, et le fan, en particulier, non seulement comme un client avide de nouveautés mais également comme un gogo toujours prêt à sortir sa carte bancaire et à prendre des vessies pour des lanternes.
Voilà ce que Nicolas Gautier distille, enfonçant quelque peu des portes ouvertes, au cours de la moitié de son premier roman intitulé "A mort l'artiste !" que son éditeur, Genèse Edition, présente comme un roman policier d'un nouveau type, celui d'une "detective story amorale et burlesque", oubliant un peu vite la veine américaine du polar humoristique né dans les années 60 et le néo-polar français des années 80.
Alors roman policier ou pas ? Revenons à nos moutons, les amateurs de musique qu'il faut faire cracher au bassinet. Le directeur énervé et sous pression, car il en va de sa tête, de la filiale française de NRV musique réunit son staff pour trouver l'idée, "the" idée, qui va booster des ventes insuffisantes pour calmer les actionnaires.
Comment décrocher le pompon du manège ? En s'inspirant de la réalité qui atteste que le chanteur rapporte plus mort que vif, jack-pot inespéré au décès puis source intarissable de royalties post-mortem. Alors à défaut de mort réelle, pourquoi ne pas la simuler en proposant, contre conséquente rémunération, à un chanteur looser qui a eu son heure de gloire, de passer définitivement de la lumière à l'ombre ?
Seulement il y a un hic et même deux et puis, en super-bonus de la scoumoune, la couille dans le potage. Premier hic, le mauvais esprit de coopération dudit chanteur qui "refuse de mourir tant que je serai vivant". Second hic, le kidnapping contre rançon du futur mort-vivant par le groupe indépendantiste "Vinylpirates" qui lutte contre la dictature culturelle et intellectuelle des majors compagnies du disque.
Enfin, alors qu'un duo de détectives aussi amateurs qu'improbables mène l'enquête, l'herbe coupée nette sous le pied : la sortie d'un bootleg dudit chanteur qui inonde le marché et se vend comme des petits pains.
Et le fin mot de l'histoire, celui du cri de guerre des Vinaylpirates, "Que soit aussi le rock !" et périssent les méchants.
Nicolas Gautier signe une parodie de roman policier, agrémenté de la désormais incontournable play-list chapitrale, avec une brochette de personnages fortement inspirés de personnes réelles pour lesquelles toute coïncidence n'est pas fortuite et que chacun reconnaîtra, qui est à la littérature ce que l'easy-listening est à la musique et qui s'oublie aussi vite qu'il se lit.
Ce qui n'est pas faire injure à l'auteur puisque celui-ci revendique son positionnement dans le registre du roman de gare qui, comme chacun le sait, se vend bien mieux que le lauréat du prix Goncourt, tout comme il déclare s'être inspiré du procédé de torpillage beigbederien qui a fait de l'opus satirique "99 francs" un best-seller.
Quant au style, l'auteur se place lui-même la barre assez haute puisqu'il indique avoir écrit "une farce, entre Les Fourberies de Scapin et Les Pieds Nickelés". Au lecteur d'apprécier.
Et, semble-t-il, il aurait déjà une suite sous le coude. A bon entendeur... |