Suscité par le cinquantième anniversaire de la mort de Marilyn Monroe, un large panel de 36 auteurs de tous âges et origine, avec une parité homme-femme, a pratiqué l'exercice imposé initié par les EAT-Méditerrannée, Les 4 Saisons d'ailleurs, la SACD et les Editions Les Cahiers de l'Egaré, pour composer un tribute à la figure de la star hollywoodienne.
Si le registre d'écriture était libre, en revanche, le format se devait d'être court et l'objectif clairement énoncé tenait à "faire réparation, de tenter de rendre à Marilyn Monroe ce qui lui a été volé, de lui donner ce dont elle a été frustrée" pour aller au-delà notamment du mythe véhiculé par les images d'archives et la presse people.
"Marilyn après tout" se présente donc comme un tribute à une actrice prisonnière de l'image et du corps qu'elle avait contribué à façonner, fracassée par le star system hollywoodien, pin-up devenu sex symbol derrière laquelle se débattait une petite fille descendante d'une lignée de femmes atteinte de démence.
Au lecteur de picorer dans ce recueil de textes, qui ne saurait se satisfaire d'une lecture linéaire.
A côté des textes en forme de brèves vignettes ("C'est tout petit l'Amérique" de Gilles Cailleau et "Marilyn spirituelle" de Adolphe Nysenholc sur "le miracle Marilyn le mystère Monroe"), des textes longs comme celui de Dominique Chryssoulis ("Le combat"), beau texte sur "le corps glorieux qui changera tout dans son corps" scandé par les mots mêmes de Marlyn qui ne voulait pas être "a scarred lonely little girl".
Belle livraison également que celle de Aïdée Bernard avec "Subway dress" qui évoque "la bombe sexuelle pour un temps atomique", icône du désir colorisée par Warhol "qui a traversé la vie sans rien accrocher".
Les images constituent une incontournable source d'inspiration, ainsi René Escudié esquisse un inattendu portrait de Marilyn vu par le "Waterboy" sur le tournage de "Rivière sans retour" de Otto Preminger, et Marc Israël-Le Pelletier ("Hello Marilyn !") et Alain Pierremont ("Marilyn dans les nuages") ont judicieusement opté pour la nouvelle dans laquelle le personnage de Marilyn s'invite en creux.
Approche plus intellectualisante pour François Carrassan avec Marliyn et le conflit nietzschéen entre le savoir et l'action ("No return") et Marcel Moratal qui imagine un entretien avec une Marilyn très réflexive sur son propre personnage et le pouvoir des mots et des images ("Chère Marilyn").
Comme souvent dans ce registre, outre les écrivains narcissiques tels André Morel et Yoland Simon qui écrivent sur "me, myself and I", les contributions prennent la forme épistolaire ("Lettre à deux voix" de Angèle Lemort et Kremena Nikolova, "A Norma Jeane, dite Marilyn Monroe" de Denis Cressens), celle du portrait élégiaque ("Dérives" de Monique Chabert, "Oh my lady Marilyn" de Moni Grégo) et de l'approche biographique ("Chronique d'une déposition parfumée" de Frédérique Renault, "Marilyn dream" de Elsa Solal) pendant que d'autres se focalisent sur le dernier jour ("Double M" de Anne-Pascale Patris, "Marilyn monohrome" de Pascal Renault).
Les textes les plus intéressants sont ceux articulés sur une thématique, celle du double pour Gérard Lépinois ("Elle/Elle") et Bernadette Plageman ("L'envol"), voire du triple avec Dasha Kosacheva ("Triptyque de femmes"), de la fausse mort (avec "La clandestine", Simone Balazard rêve d'une Marilyn encore vivante qui a volontairement disparu pour se consacrer à sa vrai passion la photographie et Jean-Claude Grosse qui, avec"Dans le sillage de Marilyn", fantasme sur Marilyn devenue sirène (re)pechée dans le lac Baikal.
Parmi ces auteurs affiliés Ecrivains Associés du Théâtre, peu de propositions dramaturgiques. Aussi excitent-elles d'autant plus l'intérêt qu'elles sont spirituelles et la curiosité de les voir portées sur scène.
Roger Lombardot imagine un dialogue entre Marilyn et un maître d'hôtel qui supervise "Le bal des suicidés", Benjamin Oppert recueille les confidences de Norma vieillissante ("Blanchiment"), Bagheera Poulin aborde la tragédie des brunes avec un dialogue fictif entre Marilyn Monroe et Maria Callas ("The late Marilyn Monroe") et plusieurs photos emblématiques de Marilyn inspirent à Gilles Desnots une savoureuse pièce courte en trois actes ("Poupoupidou").
Le recueil s'achève avec les textes de Diana Vivarelli ("Marilyn forever") et de Danielle Vioux ("Mon petit ange dans la réalité") qui mettent l'icone Marilyn à l'épreuve du temps et de la réalité du 21ème siècle : y a-t-il -t-il encore quelque chose de Marilyn dans les jeunes filles d'aujourd'hui ?
Bien sûr, Marilyn fera encore couler beaucoup d'encre... |