Pour la période estivale, le Musée du Quai Branly présente avec "Tiki Pop" une bienvenue exposition de saison qui, par ailleurs, sort du cadre étroit des monstrations anthropologiques pointues.
En effet, il propose une immersion dans la civilisation des loisirs étasuniens des années 1950-1960 dont le rapport avec son coeur de cible que sont les arts premiers tient au lien avec les sculptures primitives des îles océaniques.
Conçue sous le commissariat de Sven Kirsten, collectionneur passionné pour qui la Tiki Pop constitue une culture alternative, l'exposition se déroule selon un parcours chronologique qui instille quelques oeuvres authentiques au sein de plusieurs centaines d'objets et documents qui témoignent du spectaculaire engouement qu'elle a engendré.
Tiki Pop : du mythe de l'île paradisiaque à l'Americana polynésienne
Phénomène de mode ou fait de société, mouvement culturel ou engouement procédant de la civilisation des loisirs, ou quête du paradis perdu et recherche du bonheur inscrit dans la constitution américaine, la Tiki Pop ressort à l'american way of life des décennies 50-60.
Tel qu'indiqué par le sous-titre de l'exposition, "l'Amérique rêve son paradis polynésien" avec une réinterprétation kitsch d'éléments ethniques.
Ce qui aboutit à une iconographie exaltant le goût de l'exotisme symbolisé par la mer bleu lagon, les palmiers, la hutte et les cocktails aux noms ésotériques et des stéréotypes iconiques que sont l'idole primitive, le "Tiki" sculpture-totem censée représenter l'homme épris de fête, la sexy "hula girl", déclinaison vahiné de la pin-up, et l'aventurier des mers en chemise "aloha" à l'imprimé exubérant qui deviendra le signe distinctif du touriste américain.
Cette fantasmagorie résulte d'une conjonction de facteurs tels les représentations fantaisistes figurant dans les périples de voyage du 19ème siècle relayées par les récits des militaires stationnant à la base navale de Hawaï pendant la Guerre du Pacifique qui ont participé à ce mythe de l'île paradisiaque.
Le mythe est devenu un thème largement exploité dans les chansons, le cinéma avec la création du genre du "film des mers du Sud" puis la télévision avec des séries comme "Aventures in Paradise" qui ont contribué à nourrir l'imaginaire collectif.
Et tous s'engouffrent dans le style Tiki.
L'exposition en illustre la déferlante qui commence avec les bars à cocktail très prisés du microcosme des stars hollywoodiennes.
Une reconstitution de bar typique est présentée avec tous les incontournables que sont, entre autres, le salon en rotin, les lampes en poissons-lunes séchés, les fleurs artificielles et les mugs Tiki.
Les graphistes, désigners et décorateurs
vont inonder le marché d'objets décoratifs et de mobilier fortement inspirés des décors de films.
Le Tiki devient un genre décoratif basé sur l'ethnic-indigène revisité qui envahit les espaces privés des classes moyennes aisées de la côte Ouest friandes de nouveauté.
Du précurseur bar le Beachcomber de Chicago aux restaurants véritables temples Tiki, dont le Mai Kai en Floride et le Kahiki dans l'Ohio,
le style Tiki, connaît un succès considérable.
Au point d'être "récupéré" par les architectes non seulement pour l'édification des établissements de loisirs, du bowling aux restaurants et hôtels, mais des immeubles d'habitation.
Et c'est à la fin des années 1950, après l'ouverture du Dysneyland Resort qui comprenait une "Tiki Room", la création de parcs d'attraction spécialement dédiés qui vont attirer et drainer les classes populaires qui participeront également au succès des produits dérivés.
Bien documentée et illustrée, l'exposition permet de prendre la mesure de ce spectaculaire engouement générationnel qui a cédé devant le retour à la nature des hippies, le Flower power et leur paradis tout aussi artificiel
dans lequel l'hibiscus est remplacé par la feuille de cannabis. |