Voilà un disque intéressant à plus d’un titre consacré au compositeur Russe Sergei Rachmaninov (1873-1943). Intéressant par le répertoire abordé (les trios élégiaques 1 et 2, Preghiera) qui n’a pas été tant enregistré que cela, et par ses interprètes : Gidon Kremer (violon), Giedré Dirvanauskaité (violoncelle), Daniil Trifonov (piano), le jeune pianiste Russe étant sûrement la référence actuelle chez Rachmaninov.
Deutsche Grammophon profite du 70ème anniversaire de Gidon Kremer pour sortir ce disque. Passons directement aux trios, sans nous attarder sur Preghiera, arrangement de Fritz Kreisler des sublimes thèmes à l’intensité bouleversante de l’adagio sostenuto du second concerto du compositeur Russe. Arrangement assez peu intéressant dans le fond comme dans la forme, l’interprétation étant aussi désuète (c’est un euphémisme) que l’arrangement lui-même, qui n’a strictement aucun intérêt.
Heureusement, le reste est d’une bien meilleure tenue. Les trios élégiaques sont deux pièces de jeunesse marquées par une certaine mélancolie et par la musique de Tchaïkovski. Le deuxième, le plus intéressant, en ré mineur, composé juste après sa mort lui étant même dédié. On y retrouve en germe tout ce qui fera la musique de Rachmaninov, ces élans, ce lyrisme, cet âme qui se cache dans les moindres détails.
Loin des courants musicaux de son époque Rachmaninov a développé une esthétique propre, le distinguant des autres compositeurs Russes de son temps. Son importance dans la musique pour piano, son instrument de prédilection, est indéniable, créant un style mêlant recherche mélodique et harmonique (mais restant très largement dans un domaine tonal), virtuosité et lyrisme, le tout influencé par les compositeurs romantiques et marqué par l’âme de son pays natal.
Le trio trouve un juste équilibre, dû sûrement à une série de concerts qu’ils ont donnés avant l’enregistrement. Le jeu des musiciens est très nuancé et plein d’émotion, nous regretterons juste parfois l’interprétation, notamment un vibrato que nous qualifierons gentiment d’un autre temps, de Kremer. Et puis il faut noter un magistral sens du phrasé, Dirvanauskaité est intéressant mais Trifonov est une nouvelle fois totalement magistral avec cette façon si subtile de souligner les lignes aériennes, ces nuances incroyables. Le trio mettant en pleine lumière les lignes claires et mélodiques de Rachmaninov.
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