The Novelist et Walking Without Effort de Richard Swift : L'homme qui a compris qu'un garage servait à ranger des voitures.
Les doubles albums sont des objets magiques. Plus forts, plus créatifs, l'artiste réussissant un double exploit apparaît comme un confirmé dans le monde de la musique, atteint le rang de demi-dieu dans l'art de la création.
Dans la pure logique enfantine qui veut que ce qui est plus gros est forcément plus fort, le Pink Floyd m'apparaissait à six ans comme le meilleur groupe au monde. Pourquoi ? Car l'imposante stature de leur Pulse trônait au côté des ridicules K7 de ma soeur. De plus, comble de l'étonnement, l'objet clignotait sur sa tranche, étant du coup une sorte de veilleuse bienveillante rythmant mes rêves d'enfant.
Plus tard, on se rend compte que les double LP sont souvent les plus ratés. A part les exceptions telles que London Calling ou le Live at Woodstock d'Hendrix, la chiure est chroniquement grosse, la folie des grandeurs en ayant perdu plus d'un.
Pourtant c'est bien un double album que nous propose Richard Swift. Ou plus précisément un regroupement de ses deux premiers minis LP. Richard Swift, grand inconnu au bataillon, Singer Songwriter des plus underground, fait une musique comme on n'a peu l'habitude d'en entendre.
The Novelist, premier CD de ce recueil à la pochette Dylaniène (l'appareil photo de Hiway 61 Revisited et la photo à la An Other Side Of Bob Dylan) nous offre des chansons douces, orchestrées façon années 30, Charleston et Cab Calloway. Et puis, il y a ce sens inoui de la pop.
Le "Lady Day", que l'on dirait tout droit tombé du dernier Gorillaz, est de ces chansons à la progression lente, dont la musique est douce. Le genre de chose qui aide à retirer un pansement sans douleur. Mais le charleston? Il vient tout de suite après. "Lovely Night" est une scène où l'on imagine très bien garçonnes Coco Chanel et premiers travelots se dandiner dans un cabaret de Chicago. Une chanson qui rassure, de celles qui font passer Polnareff pour un méchant avec son "On ira tous au paradis".
Quantà la voix... elle est tout simplement stupéfiante. Profonde comme si elle était coincée au début du 20éme siècle, elle vous pose sous les yeux le tourne disque de votre grand-père, bien calé entre un rocking chair et un chat décidément aigri. Cette voix a pourtant de très étonnantes similitudes avec celle de Danon Albran (chanteur de Blur et Gorillaz), l'innocence de l'enfance en plus. L'enfance qui est omniprésente chez ce "Romancier".
Trois petits tours de clef en arrière et la boîte à musique s'ouvre, laissant entrevoir la plus belle des ballerines. "Blues for Mother" ne peut être que de ce type de souvenir trop douloureux pour permettre à six petites notes de devenir une véritable mélodie.
Que savons-nous de Richard Swift? Pas grand chose sinon qu'il dédicace tous ses albums à sa mére et à Wendy. Qui est-il? Un NYC Man. Il le clame haut et fort: "I am new york/Tired and Weak". La noirceur, l'aura autour du garçon, tout cela est très Lou Reedien. Sauf qu'aujourd'hui Lou Reed est un vieux con et Richard Swift commence tout juste à nous faire rêver.
Le deuxième CD, Walking Without Effort est lui bien différent du premier. Toujours cet esprit de chanson comme des dimanches ensoleillés, sauf que l'on n'est plus dans les années folles. L'orchestration y est beaucoup plus classique avec guitare folk et rythmique douce. Même la voix est plus réaliste avec cette véritable présence qui semble être au creux de nos oreilles.
En clair, une pop que l'on pourrait rapprocher de celle de The Married Monk, Simon Joyner ou même Laura Veirs. Les paroles racontent des histoires d'amours, des ballades dans le parc et les cui-cui dans le ciel. Un peu gnangnan? Non... disons que ça s'écoute dans un certain karma (ou quand on est fleur bleu).
Alors, n'ayons pas peur des mots, Walking Without Effort, un peu musique de bobo. Pas du genre Bénabar tout de même (bien que certains de ses textes soient hilarants et qu'il ait l'air un peu alcoolique sur scène), mais cette deuxième galette est vraiment légère face au Novelist plein d'originalité et d'ambiance.
Alors pourquoi acheter ce double LP? Car pour 15€, Richard Swift met une poire williams sur ses albums comme les Beatles mettaient des pommes Grany; car cet homme a un talent incontestable, des influences hors du commun et surtout, parce que notre monde manque terriblement de chansons.
Et puis, à l'heure du MP3, vous ferez rêver votre petite soeur ou votre petit frère. |