"Les liaisons dangereuses" de Choderlos de Laclos mises en scène par Nicole Gros sont de nouveau à l'affiche d'un théâtre parisien, en l'occurrence le Théâtre des 5 Diamants après avoir été créées au Théâtre du Nord-Ouest.

L'occasion, pour ceux qui l'avaient raté, de réparer cette omission et pour nous de rencontrer, après Nicole Gros, Marine Gandibleu et Thierry Garet, Gaëlle Lorillon et Elisabeth Ollivier-Millet.

Elles incarnent respectivement la belle et troublante Madame de Tourvel, qui chavire le coeur de Valmont, et Madame de Rosemonde, la confidente et référence morale, entre lesquelles se noue une vraie relation de sincérité.

Parlez nous un peu de vous…

Elisabeth Ollivier-Millet : Je suis comédienne, essentiellement au théâtre à la fois par choix et par circonstance. Par choix parce que parce que j'aime beaucoup cela et puis parce que ce métier au plan de l'audiovisuel est beaucoup plus compliqué et complexe il est difficile de s'introduire dans ce réseau.

C'est un métier que j'ai d'autant plus choisi que je l'ai choisi assez tard après avoir fait d'autres choses en alternance. Je l'ai complètement choisi il y environ dix ans en faisant un grand saut dans le vide.

C'est un choix absolu sans retour en arrière possible. Pour plusieurs raisons. Parce que je me sens bien dans cette profession malgré toutes les difficultés qu'elle implique mais aussi parce que le temps passant et l'âge aidant on ne peut pas éternellement changer d'orientation. Pour "Les liaisons dangereuses", Nicole Gros m'avait repéré sur un spectacle dans lequel je jouais au Théâtre du Nord-Ouest.

Gaëlle Lorillon : J'ai suivi une formation assez classique à l'Ecole d'Art Dramatique de Jean Perimony et suivi des stages "Acting workshops" avec Jack Waltzer qui dispense un enseignement Actors Studio méthode Stanislavski qui me paraissait être un bon complément à cette formation. Je travaille beaucoup en ce moment au théâtre où j'ai joué l'année dernière plusieurs pièces.

Je travaille aussi dans l'audiovisuel car j'ai fait des courts métrages dont certains ont été diffusés à la télé et j'ai joué dans des séries télé et dans un long métrage l'année dernière, "Antonio Vivaldi, un prince à Venise" réalisé par Jean-Louis Guillermou qui devrait sortir cette année avec Michel Serrault notamment. Pour "Les liaisons dangereuses", j'ai été contacté par Nicole Gros, le metteur en scène, qui me proposait de passer une audition pour le rôle Madame de Tournel.

Jouer "Les liaisons dangereuses" doit être un bonheur pour des comédiennes ?

Gaëlle Lorillon : Bien évidemment. Le texte est magnifique et complètement d'actualité de surcroît en ce qu'il décortique les rapports humains de manière assez universelle. Le personnage de Madame de Tourvel est très entier et cependant très partagé compte tenu de la situation dans laquelle il se trouve en proie à des émotions très fortes.

Elisabeth Ollivier-Millet : Madame de Rosemonde a une certaine candeur par rapport au monde dans lequel elle vit qui est très tourmenté et machiavélique. Elle a une naïveté qui fait qu'elle ne comprend pas grand-chose à ce qui se passe en réalité si ce n'est l'amour éprouvé par Madame de Tourvel. C'est une bonne personne, une femme chaleureuse avec une grande sensibilité de cœur et qui prend Madame de Tourvel sous son aile. C'est un personnage agréable à jouer, même s'il est un peu court, ce qui est ma petite frustration personnelle.

Gaëlle Lorillon : Le lien qui unit ces deux femmes est très fort. Madame de Rosemonde est la mère spirituelle de Madame de Tourvel, une Madame de Tourvel qui n'aurait pas rencontré Valmont.

Et l'après "Les liaisons dangereuses" ?

Elisabeth Ollivier-Millet : J'ai quelques projets mais qui sont encore très incertains.

Gaëlle Lorillon : J'ai des projets au théâtre dont un quasiment sur et 2 en cours mais mieux vaut ne pas en parler.

"Les liaisons dangereuses" ont débuté au Théâtre du Nord-Ouest qui est un lieu très singulier.

Elisabeth Ollivier-Millet : Je ne suis pas une habituée du Théâtre du Nord-Ouest mais je suis très admirative de ce lieu, de son directeur, Jean-Luc Jeener, et de sa foi, à tout point de vue, dans le théâtre surtout dans le monde dans lequel nous vivons. C'est un lieu atypique et unique et il y a beaucoup de choses à en dire, plus ou moins positives mais il a le mérite d'exister.

Gaëlle Lorillon : L'avantage extraordinaire de ce lieu est de permettre de monter des spectacles qu'il serait presque impossible de monter ailleurs et aussi de donner la chance à de jeunes metteurs en scène de pouvoir travailler. C'est un lieu d'opportunités et de rencontres extraordinaire.

Elisabeth Ollivier-Millet : C'est également un lieu privilégié pour les comédiens qui leur permet de montrer ce qu'ils savent faire.

Le spectacle au Théâtre du Nord-Ouest se déroulait dans une salle qui donnait une vision quasi panoramique du spectacle, les comédiens jouant presque entourés du public. Au Théâtre des 5 Diamants, il s'agit d'un plateau frontal classique. Quels sont les avantages et inconvénients des deux formules si l'on peut dire ?

Gaëlle Lorillon : Personnellement, je préfère le plateau frontal qui me permet de retrouver un côté théâtre avec une distanciation par rapport au public qui me plaît davantage. Il y a un échange avec le public mais en même temps chacun garde son intimité.

Elisabeth Ollivier-Millet : Disons que, peut être, les spectateurs étaient plus à l'aise que nous comédiens au Théâtre du Nord-Ouest du fait de la proximité. Il est vrai que pour ma part j'aime cette proximité quand je suis spectatrice, je suis toujours au premier rang, mais entant que comédien mais cela n'est pas évident d'être sous le regard du public de manière aussi proche. Au Théâtre des 5 Diamants, nous retrouvons nos marques.

Gaëlle Lorillon : Même en tant que spectatrice je préfère avec cette frontalité, cette distanciation qui évite d'être "happée" par le spectacle.

Vous venez- de parler de vous en tant que spectatrices…

Gaëlle Lorillon : Il est très important pour nous d'aller voir les autres.

Elisabeth Ollivier-Millet : Nous avons bien évidemment pas le même regard qu'un spectateur ordinaire et nous somme souvent assez critiques mais voir les autres est une richesse.

Gaëlle Lorillon : Cela nous permet également de rencontrer d'autres comédiens et des metteurs en scène.

Comment sélectionnez-vous vos spectacles?

Elisabeth Ollivier-Millet : Il y a les copains…

Gaëlle Lorillon : Pour ma part c'est l'essentiel.

Elisabeth Ollivier-Millet : Pour ma part il y a également le critère de la réputation. Je vais voir des mises en scène de tel metteur en scène connu par exemple et plus que des comédiens.

Y a-t-il des spectacles qui vous ont récemment intéressé?

Gaëlle Lorillon souffle à sa partenaire un nom en catimini.

Elisabeth Ollivier-Millet : Oui, oui (en riant) "Henri VI" monté par Lionel Fernandez qui s'est joué au Théâtre du Nord-Ouest avec Gaëlle. C'était un spectacle vraiment formidable et un travail jubilatoire dan s lequel on voyait les comédiens s'amuser prendre du plaisir dans une pièce guerrière qui n'est pas a priori le sujet le plus amusant. Je me suis beaucoup amusée à voir les comédiens s'amuser comme des enfants jouant aux cow-boys et aux indiens.

Gaëlle Lorillon : Une pièce de Shakespeare avec 25 personnages injouable ailleurs.

Elisabeth Ollivier-Millet : J'ai beaucoup aimé également "Têtes rondes et têtes pointues" de Brecht au Théâtre Firmin, Gémier à Antony mis en scène par Philippe Awat qui a fait un très très beau travail de théâtre avec un parti pris de burlesque incluant du texte, du mime, des marionnettes, du masque, du théâtre… Un vrai régal.

Gaëlle Lorillon : "Platonov" de Tchekhov au Théâtre de la Colline monté par Alain Françon un spectacle qui durait un peu plus de 3 heures et je n'ai pas vu le temps passer. C'était génial !

Et dans ces cas-là, êtes-vous prêtes à sonner à la porte du metteur en scène pour lui faire part de votre enchantement et éventuellement de votre désir de travailler avec lui ?

Gaëlle Lorillon : J'ai parfois envoyé des courriers effectivement.

Elisabeth Ollivier-Millet : J'aimerai bien travailler avec Françon mais cela ne paraît pas évident.

Gaëlle Lorillon : Moi également.

Lançons alors un appel s'il lit cette interview...

Elisabeth Ollivier-Millet : Il a également monté plusieurs pièces de Daniel Danis un jeune auteur québécois qui écrit des textes magnifiques dans une langue très terrienne.

Puisque nous en sommes aux appels d'offres, y a-t-il d'autres personnes avec qui vous aimeriez travailler ?

Elisabeth Ollivier-Millet : J'aimerai beaucoup qui est un auteur contemporain qui est également professeur, Daniel Lemayeux, que je connais, qui est un auteur d'origine du nord et qui a une langue très terrienne et cependant très littéraire qui sont deux caractéristiques auxquelles je suis très sensible, un peu mélange de terre de ciel, de mots et d'étoiles. C'est très fort de savoir manier la poésie et la matière. J'avais d'ailleurs monté une lecture d'un texte sur la Guerre d'Algérie au Théâtre du Nord-Ouest.

Gaëlle Lorillon : Je suis particulièrement intéressée par les auteurs anglo-saxons Tennessee Williams, Sam Shepard, Eugène O'Neill, Edward Albee, Daniel Kean un auteur australien un peu en vogue dont une des pièces n'a pas encore été montée, ce qui est donc un de mes projets. Pour les metteurs en scène j'aime bien Didier Long que j'avais rencontré lors d'une intervention à l'école Perimony et qui m'a paru faire un très beau travail avec les acteurs. Une personne humainement très riche.

A bon entendeur salut alors !