Comédies de Molière, mise en scène de Claude Buchvald, avec Benjamin Abitan, Laurent Claret, Cécile Duval, Régis Kermorvant, Claude Merlin, Aurélia Poirier Stéphanie Schwartzbrod, Céline Vacher et Mouss Zouheiry.
Claude Buchvald propose avec "La Folie Sganarelle" un triptyque farcesque composé de pièces courtes de Molière articulées autour du personnage de Sganarelle, barbon aussi tyrannique, jaloux et entêté que crédule dès qu'on flatte ses vices et donc irréductiblement voué à être le dindon de la farce.
Mais une farce triste conjuguée au pluriel pour punir l'égoïsme paternel, l'admiration fanatique face au savoir académique et l'amour irréaliste pour une jeune et rouée coquette au coeur de l'intrigue de "L'amour médecin", "Le mariage forcé" et "La jalousie du barbouillé", thématiques développées par ailleurs par Molière dans ses grandes pièces, qui, en l'espèce, vire au pathétique.
Claude Buchvald a choisi de soumettre ce triptyque à un triple registre de jeu, celui du clown, de la commedia dell’arte sans les masques et du burlesque, dont le syncrétisme n'est pas patent. Et elle adopte le même parti-pris de surabondance pour le traitement des figures, en y insérant de plus des surnuméraires, qui gravitent autour du personnage titre, faisant de ces archétypes à la fois des faces de clowns et des caricatures à la Daumier tout en y superposant le masque de personnages empruntés à des univers très différents, de Courteline à Fellini, ce qui, certes, est propice au numéro d'acteur mais parasite le sens originel.
Ainsi, entre autres, le tapissier Monsieur Guillaume de Laurent Claret ressemble à Popeck le vendeur de caleçons molletonnés, Stéphanie Schwartzbrod campe une Lisette a la fraîcheur Ricola d'Heidi et une Dorimène aux allures de Marilyn de série B, Chaplin et Toto ont excellemment inspiré les partitions jouées par Mouss Zouheyri et le charmant petit valet interprété par Aurélia Poirier évoque autant le Gavroche hugolien que la fellinienne Gelsomina.
Seul Sganarelle, la victime désignée, l'empêcheur de danser en rond qui constitue le pivot autour duquel virevolte la ligue sociétale, échappe à ce traitement. Superbement incarné par Claude Merlin, il tient bon une rampe méchamment bien savonnée par tous ses satellites pour finir lessivé, ridiculisé, délité et anéanti.
Dans un décor ligneux de Damien Schahmaneche et Lise Lendais, sur un plateau de planches de bois qui évoque le théâtre de tréteaux sur lequel repose un castelet protéiforme, et dans des costumes bigarrés confectionnés par Sabine Siedwalt, ça crie, gesticule, coure, et malgré toute cette agitation - qui visuellement confine à la frénésie - le spectacle manque singulièrement de rythme.
Cela étant, dans ce kaléidoscopique échevelé qui puise dans l’histoire du rire souvent noir du 20ème siècle, le travail de tous les vaillants comédiens, auxquels il faut ajouter à ceux précités Céline Vacher et Benjamin Abitan, parfaits en jeunes amoureux, et Cécile Duval, doit être salué. |