Comédie dramatique d'après un texte de Witold Gombrowicz, mise en scène de Marion Chobert, avec Benoit Antonin Denis, Mathilde Gentil, Sean Guégan et Pauline Loriferne.
La Compagnie Esquimots, qui a choisi d'oeuvrer dans le théâtre de l'intime, avait présenté à La Loge, dans le cadre de l'édition 2011 du Festival Summer of Loge, "L'Examen de la Maturité", un work in progress d'une trentaine de minutes absolument saisissant et passionnant à partir de "L'Histoire", texte ultime, autobiographique et inachevé, de l'écrivain et dramaturge polonais Witold Gombrowicz.
Quelques mois après, voici le spectacle dans son intégralité qui conforte la qualité du travail d'appropriation et de restitution accompli sur un texte autofictionnel, voire résolument autobiographique, inachevé, fragmentaire et complexe à représenter par son réalisme magique et ses personnages burlesques et réussit parfaitement à évoquer la personnalité singulière de Gombrowicz, et son rapport au monde, au moment déterminant que constitue le passage à l'âge adulte, en l'occurrence "sanctionné" en Pologne par un diplôme de fin d'études secondaires, l'examen de la maturité.
Le jeune Witold a non seulement la conscience mais la volonté d'être différent des autres, une différence qui consiste à ne pas accepter ni le déterminisme socio-culturel ni la normalité qui contraignent et aliènent, une différence qui le singularise et, surtout, le stigmatise même aux yeux de sa propre famille le vouant aux leçons formatrices de l'armée qui l'amène à rencontrer des personnages historiques.
Inscrit dans le registre du "théâtre pauvre" particulièrement efficace, le spectacle repose sur parti pris esthétique très fort soutenu par la scénographie de Ange-Lyne Janssen et les lumières de Emilien Grèzes élaborées non à partir des variations d'intensité de la lumière mais de l'obscurité de laquelle émergent les personnages.
Le travail sur le texte et la mise en scène de Marion Chobert parvient non seulement à transcrire la perception fantasmatique de la réalité opérée par l'auteur mais également la fragmentation du réel et de la coexistence de la fiction et de la réalité qui caractérisent l'entre-monde cher à Gombrowicz, ce qui n'est pas le moindre de ses mérites.
L'interprétation est à l'avenant. Le jeu incarné de Benoit Antonin Denis dans le rôle du jeune Witold, plus torturé qu'imprécateur entre incertitude et conviction profonde, se met judicieusement en contrepoint de celui des autres comédiens, Mathilde Gentil, Sean Guégan et Pauline Loriferne, qui endossent plusieurs rôles avec des personnages vus par le regard du premier comme des caricatures psychorigides ou fantoches.
Un excellent travail et une compagnie à suivre. |