Sur la pochette de Dusty rainbow from the dark, on voit un gamin en pyjama, le visage mangé par des lunettes d'aviateur, entortillé dans des écouteurs trop grands pour lui, et que vient toucher, au milieu d'un univers poussiéreux, une lumière magique - illustration presque littérale du conte qui sert de fil rouge à l'album.
Sorti en septembre 2012 chez Lab'oratoire, ce concept album réunit tous les ingrédients qui ont fait la patte de Jean-Christophe Le Saoût, et le succès de ses précédents opus, Tales of the Forgotten Melodies (en 2005, déjà !) et In the Mood for Life. La bricole en plus, c'est cette dimension narrative, qui en fait une sorte de long métrage musical. En guise de skits, on est guidé par la voix tellement BBC de Don McCorkindale dans un conte pour enfants sur le pouvoir d'évasion de la musique.
Pour cet album, le tailleur de cire colle à l'essence de l'art du sample, les morceaux ayant été entièrement composés à partir d'extraits de disques, seules les voix ayant été enregistrées pour l'occasion. En fait de voix, il s'est entouré d'une foule de gens intéressants. Certains comme Charlotte Savary, avec laquelle il collabore depuis 2004, sont déjà dans son paysage depuis longtemps. On note la présente d'A.S.M, collectif plurinational avec lequel il avait déjà ficelé le single "Say yes", mais aussi de toute une palette de nouvelles collaborations, comme la voluptueuse Jennifer Charles d'Elysian Fields sur "Heart stop".
Le démarrage de l'album pose d'emblée le décor : de la poussière, avec le grésillement des vieux vinyles, une bonne touche vintage entre la voix du narrateur et un fond inquiétant de musique de film, une profondeur d'imaginaire, des ondoiements mélodiques, une voix de fée... et là-dessus une construction rythmique très maîtrisée. Les beats sont solides, les enchaînements coulent tout seuls, et la voix grave de McCorkindale s'installe comme une couleur de fond.
Il faut attendre la piste 9 pour que ça décolle vraiment avec l'élan funky de "The Sound", qui mélange quelques gouttes de tequila au flow énergique du MC Matthew Molecular alias Mattic. Ses interventions sont sans doutes les meilleurs moments de l'album (comme "Magic Numbers" avec A.S.M en piste 15). On y retrouve une énergie plus purement hip-hop - certes un hip-hop assez old-school, très 90's, plutôt gentil et qui tend vers la variété, mais avec suffisamment d'élan pour donner envie de danser sur la tête. Dans la même veine, on appréciera "My window" avec Elzhi (figure de la scène hip-hop de Detroit) et Akua Naru (grooveuse lyrique du Connecticut), deux nouveaux venus dans le crew Tailor.
On garde le rythme avec "Past, present & future", titre programmatique pour un morceau très scratché qui nous parle de souvenirs musicaux. Certaines chansons, comme "Down in flames" apportent une réponse à tous ceux qui se demanderaient ce qu'a pu devenir le trip-hop. Poursuivant la ligne mélodique amorcée par Charlotte Savary au début de l'album, la voix de Sara Glenn mêlée à des élans de theremin rappelle celle d'Alison Goldfrapp à l'époque de Human. Même ambiance avec la voix soyeuse et morcheebesque de Shana Halligan sur "No regret" (une étonnante créature capable de collaborer aussi bien avec Nouvelle Vague qu'avec Serj Tankian, le chanteur de System of a Down).
Autre ambiance encore avec "Time to go", avec le panaméen Aloe Blacc et sa voix quasi théorique de chanteur de soul.
Résultat, on voyage pas mal avec cet album, qui se révèle agréable sans étonner. Rien n'est réellement inoubliable, tout est sympathique et intéressant. Wax Tailor a le talent de réunir autour de lui des artistes d'horizons musicaux et géographiques très différents, de puiser ses ingrédients dans des genres multiples (recyclage de vieux swing, de références éparses de Nina Simone à Isaac Hayes), et d'en extraire un résultat qui a une vraie unité et une couleur personnelle reconnaissable. |