Comédie de Molière, mise en scène de Jean Liermier, avec Madeleine Assas, Dominique Catton, Pierre-Antoine Dubey, Philippe Gouin, Jacques Michel, Gilles Privat, Marie Ruchat et Christine Vouilloz.

L'ultime, et emblématique pièce, de Molière, "Le malade imaginaire", est placée sous le signe de l'hypocondrie et le registre de la satire dénonçant le charlatinisme médical de son époque.

Molière y compile ses thèmes de prédilection, dont celui de l'exploitation de la crédulité des dupes, déclinés au sein d'une cellule familiale saisie à un moment de tension paroxystique avec ses protagonistes archétypaux que sont le pater familias autoritaire et le tyran domestique derrière lequel se dissimule un homme rongé par une obsession aussi aveuglante que dévastatrice, l'épouse opportuniste et intéressée doublée d'une marâtre, les jeunes amoureux au destin contrarié, le frère homme de bonne volonté et la domestique rouée.

Interprétée par la troupe du Théâtre de Carouge basé à Genève, l'opus est mis en scène par Jean Liermier à la manière des "matinées classiques" à fins de divertissement familial qui, toutefois, n'est pas dispensé dans "son jus".

En effet, d'une part, il procède à un insolite mélange des genres et des époques avec des contextualisations au travers du jeu et des costumes.

Ainsi si le malade (Gilles Privat), son frère (Jacques Michel) et la servante (Madeleine Assas) endossent un jeu et des tenues contemporains, les jeunes amoureux, Pierre-Antoine Dubey et Marie Ruchat "embécassinée" ressemblent aux sujets des bibelots en porcelaine et l'épouse au sur-jeu affecté (Christine Vouilloz) évoque la fatale blonde platine des années 1940.

Quant aux médecins, le médecin attitré (Dominique Catton) et son fils prétendant (Philippe Gouin), qui arborent des redingotes du 19ème siècle, ressortissent le premier à la farce, le second au grotesque.

D'autre part, le décor de Jean-Marc Stehlé et Catherine Rankl - une pièce de réception d'un appartement haussmannien transformée en chambre avec lit médicalisé ornée de putti qui encadrent des toiles et des tondi Renaissance représentant de macabres scènes "médicales", telle "La leçon d'anatomie" de Rembrandt - et la brève apparition de saisissantes sculptures-marionnettes géantes conçues par Marie-Cécile Kolly, Anne Leray et Sylvia Faleni - une faucheuse volante et d'effrayants chirurgiens-bouchers - laissent augurer d'une approche noire et fantasmatique qui, toutefois, ne se concrétise pas, avortée au profit de la facture plus conventionnelle et fédératrice du divertissement à vocation pédagogique.

L'interprétation est consciencieuse et, dans le rôle-titre, Gilles Privat campe efficacement le malade certes ridicule mais surtout pathétique dupe, dupe du faux savoir de pseudo-médecins qui ont flairé le crédule, dupe de l'épouse qui feint l'amour et le dévouement alors qu'elle investit en attente de son douaire et dupe même de sa domestique qui le manipule prêchant le vrai comme le faux.