On se blase de tout. C'est sûr, les Virgins n'ont pas inventé la poudre du rock, dont l'odeur flotte dans l'air de certaines salles obscures, lorsque parlent les six cordes. Ils chevaucheraient plutôt dans les plaines tranquilles d'une pop paradoxalement un rien new wave, un rien brit, malgré ses origines new-yorkaises.
Mais sur la scène du Grand Mix, pour la première date de leur tournée française, les cinq américains ont au moins prouvé qu'ils n'étaient pas seulement le groupe d'un single. Ils sont le groupe d'une collection de singles. Certes, tous ne seront pas aussi efficaces que ce "Rich Girls" qui leur a suffi à entrer au panthéon du rock-FM – et doivent-ils s'en étonner, ceux qui ne sont venus ce soir que sur la foi de ce seul titre ? Ce serait comme de s'étonner que Midnight Oil joue finalement autre chose que Beds are Burning. Les Virgins, c'est certain, ont plus d'un titre dans leur sac.
Y a-t-il lieu, alors, de se scandaliser que leurs concerts ne réinventent pas le rock ? Le quintet, en tout cas, ne semble pas en avoir eu l'intention. Prestataire d'un rock aisément digeste, il divertit avec conscience un public jeune et suffisamment neuf encore pour en être ravi. Seuls les plus âgés, ces vieux loups des fosses revenus de tout et avec lesquels il m'arrive parfois de hurler à la lune, semblent s'ennuyer.
La jeune garde, elle, s'en donne à cœur joie – à l'image du chanteur, pieds nus, qui ne cessera pas de sautiller du début du concert au rappel, emplissant à lui seul tout l'espace, jusqu'aux zones sombres de l'avant-scène, ses camarades rejetés en périphérie.
En concert, sans surprise, les Virgins sont moins propres, moins précis que sur disque – sans aller jusqu'à y gagner la fièvre d'un rock bouillonnant, mais tout au moins les brouillonnements d'une pop impatiente. Ces petites imprécisions semblent d'ailleurs avoir déçu ceux qui rêvaient d'un concert digne de la déesse FM. Mais qu'importe. Sur scène, les Virgins mettent en avant la seule efficacité. Pas les paroles, on s'en doutait, mais pas vraiment la musique non plus. Juste l'efficacité, le seul entêtement. L'effet single, justement, comme on parlerait de l'effet papillon : quand un refrain catchy ou un riff de guitare à New-York peuvent enflammer une scène de la région lilloise... Le reste, les Virgins ne semblent pas s'en soucier.
Il faudra attendre le rappel pour voir le groupe abandonner cette obsession pour le single (après le pic que représentera en cela l'enchaînement, juste avant la sortie de scène, de "Rich Girls", "Teen lovers" et "One week at danger", soit le plus tubesque de son repertoire).
D'autres atmosphères pourront alors être explorées, avec deux titres en duo guitare acoustique / voix, qui provoqueront des réactions très contrastées parmi le public, mais donneront à entendre une autre facette de la formation, qui pourrait bien en complexifier heureusement l'image. La formation, au grand complet, terminera par une reprise du "Devil Inside" d'INXS – autre grand single devant l'éternel...
La première partie était ce soir-là assurée par les locaux de Marvin Hood, qui délivrent une pop synthétique, sautillante et non dénuée d'humour. Si l'ensemble est encore très jeune (les musiciens auraient l'âge d'écouter The Virgins – c'est dire), l'univers est déjà consistant et la bonne humeur et l'enthousiasme débridé suffisent à finir d'emporter le public. Diablotins comédiens, grandiloquents, sucrés et facétieux, les six musiciens, qui jouent dans une nouvelle formation, emportent les honneurs de la soirée. Un bain de fraîcheur réjouissant et une formation à suivre, assurément. |