Cela aurait pu chasser dans les terres du post-rock le plus patiemment explosif, avec un nom comme celui-là ; ça aurait pu être l'album-écorché vif d'une jeune femme à la voix aussi éraillée que son cœur, l'âme grande ouverte, aux tambours battants du rock ; ce sera l'EP d'un duo folk / post-folk à l'univers intimiste.
Depuis deux EPs déjà, Christophe L'Huillier et Jérémie Rüest bricolent une musique qui sait faire la part belle aux instruments acoustiques, qui sait tisser des univers riches et variés dans des formats concis. A l'antithèse de l'auto-hypnose dans laquelle certains musiciens aiment parfois se laisser piéger, à force de répétitions gratuites et d'extension forcée des pistes et des disques. Et si le bric-à-brac instrumental ne va pas ici aussi loin que chez Cocorosie ou le premier Our brother the native, on aura tout de même plaisir à se laisser surprendre par un montage souvent bancal, une impression de pas-fini, de décalage.
L'inspiration est clairement à chercher du côté d'un univers introspectif et évocateur, souvent empreint de mélancolie, cultivant une certaine tension, sur le fil d'un rasoir déjà ensanglanté, certainement. Moins mélodique que Hrsta mais empreint de la même spiritualité, dans le fond. Moins sage que Sackville. Plus concis et plus ramassé que le plus folk Silver Mt Zion. Malgré la modestie des arrangements et des compositions, on est bien dans le sillage de Constellation. C'est dire le niveau d'exigence.
Le hic, justement, c'est que si "Helmet on fire" tire parfaitement son épingle de ce jeu-là et si "Puppetman", avec ses petits airs de Leonard Cohen (on rêve d'un Avalanche IV réinterprêté par Vic Chesnutt) ne peut que flatter les oreilles de la fine bouche post-folkeuse, l'ensemble de l'EP a un peu de mal à tenir la distance. "Monkey finger", en ouverture, est l'exemple parfait des travers dans lesquels tombe parfait le projet : après pas tout à fait deux minutes d'une introduction prometteuse quoique peut-être déjà entendue chez le premier Do Make Say Think, le titre bascule pour sa deuxième moitié dans une sorte de ballade pop où le banjo le dispute aux chœurs enjoués, ballade peut-être pas dépourvue de qualités mais sans grand rapport avec ce qui a précédé.
Vingt trois minutes au total d'une musique tout à fait recommandable, qui aura peut-être même souvent quelque chose de réjouissant, mais à laquelle il manque encore l'inspiration des grands – ce qui ne manque jamais de se faire sentir lorsqu'il s'agit d'un projet aussi ambitieux. À suivre avec bienveillance mais patience, également. |