Cher lecteur,
Si je change, à titre tout à fait exceptionnel, ma façon de m’adresser à toi, si j’emploie ce ton direct, ce tutoiement affectueux et bienveillant qui réduit la distance qui nous sépare comme la fibre optique peut le faire, c’est parce que le sujet que je vais aborder est délicat. Aussi me devais-je de démarrer cette chronique par un
AVERTISSEMENT AU LECTEUR
Cher lecteur, tu entres dans une dimension nouvelle, un monde parallèle, celui de Jaquarius. Tu dois être guidé par l’esprit d’aventure, accepter d’être dérouté, remettre en question tes a priori sur la musique et plus particulièrement la musique électronique, puisque c’est d’elle qu’il s’agit ici. Bien sûr, si tu es déjà un habitué des univers sonores non identifiés, si ton horizon musical va de Pierre Boulez à Ludwig Von 88 en passant par Stockhausen, Satie et Laurent Garnier, l’expérience ne devrait pas être trop étrange. Mais si tu navigues habituellement dans des eaux moins troubles voire franchement claires, une descente en douceur en passant d’abord quelques paliers comme Rone, Bernard Fèvre (aka Black Devil Disco Club) ou Aphex Twin, est fortement recommandée.
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"Merlik" et "Polyzarb" sont deux morceaux composés sur un synthétiseur modulaire. Disons simplement, un synthétiseur composé de différents modules qui peuvent être connectés les uns aux autres un peu dans tous les sens, ce qui donne une infinité de possibilités sonores (plus ou moins maîtrisables car ces modules sont faits de circuits analogiques qui peuvent réagir de différentes façons notamment en fonction de la température, ce qui rend l’exercice beaucoup plus rigolo). Des modules ? Des trucs qui génèrent du son, d’autres qui filtrent ces ondes sonores, les amplifient, contrôlent l’enveloppe sonore… bref, plein de petits jouets qui permettent au compositeur de travailler la matière sonore à la manière d’un sculpteur.
Les sons enregistrés deviennent la base de la création. On pense alors à la musique concrète, au GRM (Groupe de Recherches Musicales), à Pierre Schaeffer, à la musique acousmatique, c’est-à-dire à cet ensemble plus ou moins identifiable et identifié des musiques qui mettent en scène les sons, par opposition à celles qui interprètent des notes (que les experts me pardonnent cette vision simplifiée des choses) (1).
A ce petit jeu, Jaquarius excelle. D’ailleurs, ces morceaux ont été composés dans le cadre de ses études au Conservatoire de Paris, ce qui, sans être un gage de réussite absolu, est déjà la garantie d’un travail poussé et de qualité. A ce stade, cher lecteur, si tu es encore en train de me lire, c’est que rien ne te fait peur. Et tu vas être récompensé.
Car cet EP est composé de deux titres et de leurs remix respectifs. Et là, les têtes vont bouger. Le ressenti est direct, instinctif. Le côté expérimental de la musique rencontre son application dans notre réalité. On oublie alors le concept pour se laisser emporter par le rythme et les couleurs Techno et Acid franchement efficaces. Et c’est bien la confrontation des deux qui rend l’ensemble si réussi.
[] Stop
24 minutes de musique, ça passe vite. Ce n’est qu’un EP, bien sûr, mais il est de ceux qu’il faut avoir dans sa discothèque. Parce qu’il s’agit d’un excellent disque, parce que le travail de Jaquarius est magnifique, et parce que sa démarche transcende les genres lorsqu’il fait sortir ses sons expérimentaux pour en peupler nos raves.
(1) Je vous recommande vivement la lecture de l’article suivant sur Wikipédia.
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