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Entretien de novembre 2008  (Paris)  18 novmbre 2008

Jean-Laurent Cochet, grand monsieur du théâtre, comédien, metteur en scène et professeur d'art dramatique, a accepté de poursuivre nos entretiens mensuels initiés en 2007.

Ces entretiens, au fil de son actualité théâtrale et de ses cours publics d'interprétation dramatique qui se déroulent régulièrement à la Pépinière Théâtre, explorent, notamment, plus d'un demi siècle de l'histoire du théâtre.

La saison 2008-2009 des Master Classes a démarré sur les chapeaux de roue à un rythme bimensuel qui ravit un public fidèle et sont l'occasion d'évoquer des personnalités tant du théâtre que de la musique et de la danse dont Jean-Laurent Cochet aime saluer le talent et citer en exemple.

Quelques uns d'entre eux ont servi ce fil rouge à ce nouvel entretien.

 

Cet entretien fait suite à deux Master Classes qui se sont déroulées à une semaine d'intervalle, dont une le 1er novembre qui célèbre la fête de tous les saints. Aussi je vous propose de poursuivre l'évocation de personnes qui vous sont chères, à des titres divers, et dont vous évoquez les figures lors des Cours Publics pour dresser, en quelque sorte, une galerie de portraits qui serait aussi un album de famille.

Jean-Laurent Cochet : Volontiers. Et je voudrais vous dire en entrée en matière que, pour moi, j'aime d'autant plus cette fête-là, que les gens confondent souvent avec la fête des morts et l'endeuillent encore davantage, et que la Toussaint est une fête fantastique par laquelle on fête tous les saints, donc tous les gens qu'on a connu, tous ceux que l'on connaît encore. Pour ma part, tous les jours, dans mes prières quotidiennes, j'associe à la journée que je vais vivre tous les gens que j'ai aimés et que j'aime. A vous de me dire ceux que j'évoque davantage dans mes cours.

Jean Giraudoux

Nous avions terminé notre entretien précédent avec Françoise Seigner et je vous propose d'évoquer Jean Giraudoux qui est l'auteur que vous faites travailler actuellement au Cours avec le lamento du jardinier.

Jean-Laurent Cochet : Il est rare que je fasse présenter des scènes de Giraudoux au cours car c'est un auteur très particulier, et, pour les jeunes, pas un des plus faciles. Je n'ai pas rencontré Jean Giraudoux mais je le porte dans mon cœur parmi les auteurs classiques de notre temps que je préfère. Il m'a toujours séduit, toujours enchanté. Ce sont les mots justes en ce qui le concerne. Et puis, je l'avais raconté je crois dans un de mes livres, j'avais été très impressionné par la puissance post-mortem qu'il a eu sur une amie à moi qui s'appelait Carmen Debarre, qui était vraiment au bord de mettre fin à ses jours quand un matin, à la petite aube verte comme on dit, aux Champs Elysées, elle avait sur les genoux "La folle de Chaillot" et, en découvrant la fameuse tirade "Tous les vivants ont de la chance…", elle a repris son espoir et cela m'avait fait penser, c'est ce qu'avait mis sur sa tombe Cocteau ("Je reste avec vous"), au rôle des poètes de cet ordre-là qui sont toujours un peu en marge du monde, qui ont leur voie parallèle, et sont toujours avec nous. Giraudoux est une de mes lumières.

Liliane Sorval, très fidèle à vos Master classes

Jean-Laurent Cochet : Aaah ! Oui, et fidèle en tout et pour tout ! Liliane Sorval, c'est vraiment une de mes soeurs C'est une de mes plus grandes amies. Je l'aime profondément pour tout, tout ce qui nous unit. Ce que je peux dire, pour ceux qui ont lu le portrait que j'ai tracé l'autre fois de Françoise Seigner, et bien, c'est une François Seigner mais sans aucune ombre. Elle est complètement rayonnante, sans que ce soit factice, car c'est une femme profonde, attentive, c'est une femme de foi, d'un courage extraordinaire, d'une vaillance extraordinaire, elle est abondante toujours d'humeur égale, elle a le sens de la repartie. C'est une bonne vivante, elle adore la vie, elle est drôle, elle est joyeuse.

J'ai passé toute ma vie avec elle des moments absolument exceptionnels ! Nous avons beaucoup joué ensemble, et ce n'est que la partie visible de l'iceberg qu'est notre relation permanente, avec son mari, le délicieux Jacques, très fin musicien. J'ai encore une de mes deux sœurs, et il y a beaucoup de femmes dans ma vie que je peux considérer comme une sœur relativement à nos âges, comme Nicky Nancel, mais, de la même génération que moi, je pense que Liliane est la plus proche, et non seulement la plus proche, mais la plus semblable à moi. On comprend et on aime les mêmes choses. Elle a infiniment d'esprit. C'est un rêve, Liliane. Je n'ai vraiment aucune réserve à son sujet.

Michel Simon

Michel Simon que vous avez évoqué en nous parlant de votre projet de spectacle relatif à "Tu m'as sauvé la vie".

Jean-Laurent Cochet : J'en ai parlé mais pas pour ce projet car pour "Tu m'as sauvé la vie", il n'y était pour rien, si j'ose dire. Cette pièce, un peu comme "Aux deux colombes" que j'ai montée et jouée en 2007, n'avait jamais été rejouée depuis sa création quand je l'avais présentée au Daunou la première fois, puis à la Pépinière, quand elle s'appelait encore la Potinière, et nous l'avions reprise en tournée. Cela avait été un énorme succès. Il y avait une très bonne télévision faite de cette chose. Lors de la création, les rôles étaient tenus par Sacha Guitry et Fernandel. Pour mon projet actuel, s'il se concrétise, je jouerai le rôle que jouait Guitry et l'autre rôle sera tenu par Jean-Pierre Castaldi.

Ce sera amusant comme contraste, étant donné ce que nous sommes l'un et l'autre, et ce sera d'autant plus amusant que Jean-Pierre a été mon premier élève quand j'ai ouvert mon cours. J'avais eu des élèves auparavant quand j'étais au Conservatoire et au Français, mais quand j'ai ouvert mon cours, je crois qu'il a été le premier élève officiellement inscrit. Il était, c'est amusant quand on le voit maintenant, très fin, avec une silhouette très élancée.

C'était le parfait jeune premier et toutes ces dames étaient comme ça devant lui - vous mettrez "mimique" - et il était d'une très grande sensibilité. Quand j'ai monté "Tu m'as sauvé la vie", il y avait aussi Liliane Sorval, bien sûr. Chaque fois que j'ai pu la distribuer je l'ai fait et il y avait aussi une de mes autres très grandes amies, Catherine Griffoni, qui est ma petite fille, ma petite sœur.

Il y avait également l'exquise et la délicieuse Mony Dalmès qu'une grande amitié nous unissait. Et puis, je la signale, comme vous m'en parlez, cela me fait plaisir, une petite jeune fille qui était à mon cours qui s'appelait Gaëlle Le Trévidic, une petite bonne femme que j'ai beaucoup aimé. Elle était très douée et avait un très joli emploi, et puis, sa vie n'a pas été facile, il y a eu des revers et des chagrins. Elle n'est plus dans le métier mais on continue à se faire signe et à se dire, de temps en temps, qu'on s'aime.

Quant à Michel Simon, je ne l'ai pas connu mais on m'a raconté des tas de choses sur lui parce que j'ai connu beaucoup de ceux qui l'ont le mieux connu. Que ce soit Arletty, René de Obaldia, qui était étonné de la manière très directe dont pouvait parler Michel Simon dans certaines circonstances, et tous les gens que j'ai connus de cette génération-là m'ont parlé de lui pour l'avoir approché, pour l'avoir distribué comme Jean Sarment. Moi, je le place aux côtés d'Harry Baur dans mes grandes admirations. C'est un comédien fastueux, un homme d'une imagination, d'une cocasserie, d'une intelligence extraordinaires mais que je n'ai malheureusement jamais approché.

Que ce soit "Boudu sauvé des eaux "L'atalante" de Jean Vigo ou "La beauté du diable", qui n'est pas un très grand film de René Clair mais où il est absolument sublime dans le rôle du diable, comme dans tout ce qu'il a tourné. Comme pour Harry Baur, il n'y a pas un mauvais film de Michel Simon. Ils ont pu tourner dans des films moins bons mais eux sont toujours au plus haut de leur métier. Cet acteur est un modèle, mais aussi un exemple parce qu'il fait partie des gens dont on ne voit plus du tout comment c'est fait, tellement c'est personnel d'abord, rare, et tellement c'est fin. Et on se laisse complètement emporter. Je regrette qu'il n'ait pas joué certains classiques bien sûr. Alors on dit toujours dans ces cas-là pour des comédiens "monstrueux" que c'est le style Shakespeare. Mais même dans le répertoire français, il aurait pu jouer de grands rôles. Mais enfin c'est comme ça.

Fabrice Luchini

Jean-Laurent Cochet : Je parle souvent de lui autant qu'il parle de moi. Encore aujourd'hui, on m'a rapporté qu'avait été diffusée une émission télévisée sur le théâtre, ce qui est rare à la télévision, animée par une personne sans grand intérêt, dans laquelle Luchini avait parlé abondamment de moi. Je l'ai eu en direct depuis et l'en ai remercié. Il est d'une fidélité, relativement à ce que j'en connais, et ce que j'aime en lui c'est sa grande fidélité. On s'aime beaucoup. Il y a des anciens élèves plus ou moins fidèles, mais lui, c'est la reconnaissance parfaite, reconnaissance surtout dans la manière qu'il a de mener sa carrière et d'être fidèle en tant qu'interprète. Il a atteint des sommets.

Il y a encore quelques temps, quelques semaines, il est venu nous rejoindre en Vendée où il a donné son nom à la dernière promotion de mon cours vendéen et a donné deux fois son spectacle à Luçon. Il a été très ému car, à la fin de la soirée, mes trente élèves se sont précipités vers lui pour lui tendre chacun une rose et, bien que très malade ce jour-là, il a continué son spectacle pendant encore trois quarts d'heure tellement il était heureux.

Je ne vais pas en parler trop longtemps mais il fait partie des gens tellement rares ! C'est une personne rare et unique, même si chacun est un spécimen unique, mais il y a aussi ce qu'on en fait. Il ne cesse de progresser, d'être aussi extraordinaire avec, à chaque fois, des choses plus rares puisque que, comme chaque homme qui sait vivre, chaque jour apporte sa provende d'observations. Il est un événement.

C'est plus qu'un monsieur qui sait jouer la comédie, qu'un monsieur qui sait construire un spectacle. Tout ça il sait le faire de manière tout à fait exceptionnelle de culture, d'intelligence et d'invention. Son dernier spectacle, au-delà justement de l'œuvre littéraire théâtrale, qu'il a construit en partant d'écrits de Barthes, La Fontaine, Chrétien de Troyes, et Nietzsche, ça devient un grand numéro presque de variété. C'est d'une fantaisie, d'une cocasserie, d'une invention, d'un mouvement sur le plateau, mouvement aussi bien par la respiration qu'il donne à sa soirée que par ses propres mouvements physiques. Cela devient complètement délirant de joie. C'est un diable !

Philippe Davenet

Jean-Laurent Cochet : Ah alors c'est un homme ! Vous vous rendez compte de la chance que j'ai eue, qu'on a eue, que nos routes se croisent. Philippe Davenet est un pianiste exceptionnel qui n'a pas souhaité être plus connu qu'il ne l'est, alors qu'il a reçu dans sa jeunesse presque tous les prix imaginables. Il a fait une carrière de concertiste en préférant être invité dans des palais et des personnes privées. Il est curieux de tout, très itinérant, surprenant d'exotisme dans la pensée, les goûts, la variété. C'est un homme d'un esprit, d'une drôlerie, dans un personnage qui peut paraître un peu languide, un peu comme le sublime Jean Tissier et derrière l'apparence, ça pétille. Quand ce n'est pas les doigts qui crépitent sur le clavier, c'est son esprit dans sa tête. On se raconte sans arrêts des histoires et il est un peu mon dernier producteur d'histoires drôles.

C'est amusant parce qu'il y a deux jours, un monsieur charmant, qui va écrire un livre sur Jacques Chazot, m'a téléphoné pour recueillir des témoignages. Je lui ai abondamment parlé de Jacques Chazot que j'ai beaucoup connu, apprécié et aimé sous divers aspects que les gens ne connaissaient pas de lui. Et il m'a demandé : "Mais qui était le plus important le mondain, le danseur, l'homme d'esprit ?". Je lui ai dit que tout cela était une même chose mais qu'on aurait pu dire "profession : homme d'esprit". L'esprit jusqu'à la pointe des pieds, c'est le cas de le dire, puisque c'était le seul homme qui dansait sur pointes. Il m'a également demandé si je voyais aujourd'hui d'autres personnes qui lui ressemblaient et je lui ai répondu: "Non absolument personne. Personne n'a plus cet esprit-là !". Et puis il m'est venu à l'esprit, dans un autre rythme, dans une respiration tout à fait différente, le nom de Philippe Davenet.

Ce même esprit aigu au bord de la rosserie, mais jamais méchante, toujours drôle, toujours éloquent. Mais à part lui, personne avec cette élégance et cette finesse. Ce sont des êtres d'un autre temps, pas parce qu'ils ont vécu il y a quelques années, mais parce que ce sont des êtres du passé, même s'ils ont occupé leur époque en leur temps, mais c'était l'esprit du 18ème siècle, puis du 19ème, l'esprit des salons. Bien sûr il y a des gens qui ont de l'esprit dans leur œuvre, comme Monsieur d'Ormesson ou Monsieur de Fallois, mais l'homme d'esprit, qu'on connaissait à travers ses mots ou à travers ses inventions, n'existe plus. Si j'écoute la radio et des émissions où passent les humoristes qui amusent le vulgus pecum, c'est d'une vulgarité et d'une pauvreté ! Ils sont démodés avant d'être nés, c'est incroyable de prétention ! Pas un mot drôle, d'ailleurs ils ne parlent même pas le français, pas un mot d'esprit. Ah non ! Revenons à des gens qu'on aime !

Laurent Gerra

Jean-Laurent Cochet : Ah oui, ça c'est un bonheur ! J'aurai pu en parler juste avant mais ce n'est pas le même esprit, ni le même ton, ni la même sensibilité, même si Dieu sait qu'il a tout cela. L'esprit de Laurent Gerra est extraordinaire, relativement à Chazot qu'on a pris comme dénominateur commun, avec plus de paillardise - il n'a pas une once de vulgarité- il est complètement rabelaisien, il est d'une santé, il est épanoui ! C'est un être généreux, abondant, inventif lui aussi, et il donne toute sa chair, tout son esprit au personnage qu'il évoque et, au-delà de l'imitateur, il a tellement de génie qu'on finit presque par oublier que c'est son métier. Ce qu’il fait est fantastique : il suffit qu'il pense à quelqu'un pour lui ressembler. Et on ne peut pas être imitateur comme ça, c'était le cas de Tisot, si on n'est pas comédien.

J'espère que notre projet de travailler ensemble sur une pièce de théâtre aboutira. Lui aussi est unique, complètement, dans la dimension de ce que cela représente de tenir un plateau en allant de la chose apparemment la plus facile, au bord du scabreux, et puis d'entrer dans l'émotion, avec les hommages qu'il rend aux chanteurs qu'il a aimés, et les larmes nous viennent aux yeux. Il y a eu un homme qui a eu ça, qui était complètement génial, mon Dieu quel grand mot, mais je crois qu'on peut l'utiliser, c'était Devos. Depuis Devos, dans le domaine de la variété, appelons ça ainsi sans que cela soit péjoratif, personne, sans parler de certains chanteurs, comme Brel ou Piaf, ne m'a fait éprouver, sur le plateau, cette dimension du bonheur absolu. C'est un homme qui nous irradie.

Sergiu Célibidache

Jean-Laurent Cochet : C'est le génie pur. J'ai eu la chance de connaître d'abord sa femme, qui est elle-même une femme exceptionnelle, un très grand peintre, qui a peint ce tableau d'après l'heure espagnole de Ravel, une femme merveilleuse d'intelligence de drôlerie, de savoir, de perspicacité. Je crois qu'il n'aurait pas pu épouser une femme qui lui fut inférieure.

J'ai connu dans le dernier mois de sa vie le maître et je l'ai rencontré à l'issue d'un concert où il avait donné une symphonie de Bruckner, merveilleusement dirigé - il a tout dirigé mieux que personne - Bruckner était son grand homme. J'étais en état d'hébétude et d'apesanteur devant lui, de joie extrême.

Il était d'une profondeur extraordinaire. Il était d'une exactitude, d'une réinvention des œuvres et d'une dimension, d'une spiritualité… C'est un des grands astres qui traversent notre temps de loin en loin. Il y a des grands faiseurs, pas au sens péjoratif, de grands exécutants qui exercent très bien leur métier. Mais Celibidache, c'est de l'ordre de Furtwängler, des gens de cette dimension-là. C'est immense !

Yvette Chauviré

Jean-Laurent Cochet : Je voudrais vous parler à la fois, comme ça on les réunira, de Yvette Chauviré et de Agnès Letestu. Yvette Chauviré a été la plus grande danseuse étoile de son temps. Je crois qu'il y a un ou deux équivalents en Russie, Maia Plissetskaia sans doute, et Margot Fontaine en Angleterre. Il y a eu de grandes danseuses mais Yvette Chauviré était unique.Comme disait Henri Sauguet :"Elle n'est pas en mesure, elle suscite la musique, elle secrète la mesure". Elle avait tout, la technique était foudroyante, ce qui leur parait le moins intéressant puisqu'ils l'ont travaillé, c'est leur métier. Mais elle était d'une poésie, ah c'était miraculeux ! Les regards, pas tellement les jambes, les bras c'est ce qu'il y a de plus beaux chez une danseuse quand elle danse bien, mais elle était pathétique, ce qui est un mot que je réserve à peu de gens.

On peut être pathétique comme l'était la Callas, Piaf ou Brel, ce n’est une question ni de sexe ni d'emploi, on est pathétique comme Yvonne de Bray ou Magnani. C'est plus rare chez les hommes car le pathétique est une notion non pas de faiblesse mais de fragilité. Mais dans les emplois, dans le travail, dans le jeu, Yvette Chauviré était bouleversante avec en même temps de l'humour. Elle dansait tous les emplois. Elle était ravissante et moi, j'ai eu la chance et le bonheur de la diriger en tant que comédienne quand j'ai monté "Amphitryon 38" de Giraudoux et que Simone Valère et Jean Desailly ont eu, les premiers, l'idée de lui faire jouer Léda la femme cygne.

Oui, effectivement. Elle avait une mélodie vocalement qui était le reflet de sa danse ; elle aurait très bien pu jouer Tchekhov. Elle avait chez elle ce qui était souvent tellement apprêté, affecté, un peu sec chez une Madeleine Renaud : la poésie même. Elle est toujours des nôtres mais il y a longtemps que je ne l'ai pas vue, car elle ne sort quasiment plus et a eu beaucoup de problèmes de santé. Sans l'oublier, mon Dieu, loin de là, je reporte toute cette admiration et toute cette affection que j'avais pour elle sur une de ses cadettes, qui est certainement la plus grande étoile française en ce moment, Agnès Letestu.

C'est une femme extraordinaire, avec beaucoup de grâce elle aussi, pas uniquement la grâce de la danseuse, la grâce de l'esprit, la grâce de la gentillesse, de la qualité d'écoute, du dévouement. ll y a eu Noella Pontois mais en ce moment c'est la seule qui soit également comédienne, interprète. Bien sûr c'est une technicienne, mais Agnès est également très poétique, elle peut aborder tous les emplois, elle est étonnante, elle est curieuse de tout et elle vient de faire des costumes admirables pour « Les enfants du Paradis » à l'Opéra, elle a du goût, elle est ouverte à tout. Elle aussi elle rayonne.

Laurent Blanchard

Jean-Laurent Cochet : C'est la grande aventure ….Ce que on pourrait dire c'est que, en tant que tout jeune homme, très jeune quand je l'ai connu, il allait avoir 19 ans et il a arrêté sa vie terrestre à 25, il avait à peu près tous les dons et toutes les qualités de ceux que l'on vient de citer au plus haut de leur âge et de leur carrière.

C'était un garçon qui était fait pour traverser son temps et il se trouve que j'ai été le plus près de lui sur sa route, sur sa trajectoire si on peut dire. C'est Cocteau qui disait en parlant, je crois, de Radiguet : "Ces gens-là nous sont prêtés. Ils traversent notre vie pour la transfigurer". Il était d'une beauté presque inhumaine parce que les traits étaient superbes.

Il aurait pu être peint par tous les peintres de la Renaissance et de tous les pays avec, pas la beauté plastique qu'avait un Jean Marais, la beauté animée dans le sens premier au sens animus, anima. C'était un ange, vraiment, et en même temps il était de son temps.

Il rejetait beaucoup de choses de son époque, bien sûr, car il était très en avance sur son temps car il était très lié à un passé qu'il n'avait pas vécu, mais c'était un passage. Il était drôle et plein d'esprit. Je pense dans la manière dont je l'ai connu, c'est sûrement un peu ça qu'a du être Radiguet pour Cocteau, personnage très différent dont Cocteau disait : "J'ai gardé l'ange pendant six ans". C'est exactement le temps qui nous a été donné à Laurent et à moi. Il est là, tout le temps, il vit avec moi.

Dans votre second livre intitulé "Faisons encore un rêve", vous rapportez l'ultime conversation que vous avez eu avec lui dans laquelle il vous disait : "Je ne vous dévoilerai pas le mystère" ce à quoi vous répondiez : "Je ne le souhaite pas. Je préfère ton secret lumineux." Mais vous parle-t-il ?

Jean-Laurent Cochet : Je lui parle tout le temps. Il est mon porte-parole là-haut et tout ce que je fais je le lui adresse. Effectivement les réponses sont là. Ce ne sont pas des paroles entendues d'outre-tombe ou d'outre ciel comme on veut. C'est lui qui me guide et tout ce que je fais c'est parce qu'il m'habite. Heureusement, il y a autour de moi des gens merveilleux qui ont pris la relève charnelle, j'entends par là qu'ils sont encore concrètement présents. Je pense à Pierre Delavène, avant tout, sans qui, et je l'ai dit plusieurs fois, je ne ferais plus ce métier comme je le fais, et puis quelques autres personnes très très proches à mes côtés, de grandes amitiés qui me soutiennent.

Mais le fil a de tout temps perduré, ce fil qui passait de l'un à l'autre avec Laurent. C'est ça son texte. Je rêve assez souvent de lui mais ce sont comme des clins d'œil. Je ne sais pas pourquoi, et c'est amusant, comment des gens viennent dans mes rêves, d'autres pas, certains reviennent souvent, comme Hélène Perdrière. Quand je rêve de ma mère elle fait partie de mon rêve tout entier, mais ce n'est pas plus fréquent qu'un Le Poulain, ou des gens qui le traversent comme des météores, telle Mary Marquet, mais c'était déjà un météore de son vivant. Laurent se faufile dans mes rêves, il vient me montrer qu'il est témoin, qu'il assiste dans son coin, qu'il en sourie avec moi ou qu'il me protège. C'est une union indéfectible.

 

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L'entretien de octobre 2008 avec Jean-Laurent Cochet
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La Master Classe du 6 octobre 2008

En savoir plus :

Le site officiel de Jean-Laurent Cochet

Crédits photos : Thomy Keat (Plus de photos sur Taste of Indie)


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