Spectacle musical mis en espace par Carolina Pecheny avec Dimitri Artemenko, Vadim Sher et Yuri Shraibman
Ils sont trois pour ce voyage en "musique, en textes et en images". Trois musiciens dont l'origine commune est l'ex-Union Soviétique. Bien entendu, on sait tous ce qu'il y avait de "désagréable" ou d'"odieux" dans cette Union.
On peut donc mettre à son crédit qu'elle permettait à des Estoniens, comme Vadim Sher (piano) et Dimitri Artemenko (violon), de fusionner musicalement avec des Ukrainiens, comme Yuri Shraibman (Clarinette et saxophone). Tous les trois y ont puisé le goût des musiques traditionnelles, sans nationalisme exacerbé.
Les voilà ainsi unis ensemble pour le meilleur dans le trio Degré 41.
Ce meilleur prend la forme d'une route qui serpente le monde slave, yiddish, arménien, tsigane. Du Caucase aux Balkans, on ressent la même contradiction entre affirmer des racines et rester des nomades.
C'est un monde où l'on craint le départ au singulier, parce qu'il signifie un départ définitif, cruel où l'on ne peut sauver que les mots de sa langue et les notes de l'instrument que l'on peut seul emporter. C'est un monde où l'on s'en veut d'être velléitaire mais où l'art ne cesse de consacrer ces "faux départs" qui bégaient un futur départ ultime.
Ces "Notes de départ" prendront à la fois forme musicale et textuelle.
Les musiciens, en particulier Vadim Sher, ne se contenteront pas de jouer de la musique, ils mêleront leurs mots à ceux de grands auteurs (Baudelaire, Kafka, Tchékhov, Irène Nemirovsky). On aura même des vidéos , celle de Gagarine, premier homme partant hors de la stratosphère, celle d'un train traversant les Carpates et aussi un extrait d'un film, "L'Horizon argenté", réalisé par Igor Minaëv, dont on a parlé il y a quelques semaines à l'occasion de la ressortie de son film "l'inondation" avec Isabelle Huppert.
Pour la musique, il faut aussi signaler qu'on a l'impression qu'elle est issu de répertoires populaires "classiques", alors qu'elle est signée principalement par Vadim Sher et parfois de Dimitri Artemenko, qui revisitent avec talent le folklore russe, caucasien ou balkanique. On entendra même un très beau morceau inspiré par la musique klezmer.
En arrivant sur scène, Vadim Sher sort d'une valise trois verres et un thermos de thé qu'il dépose sur un tabouret. C'est un voyage immobile qu'il propose, un voyage convivial, hymne à l'amitié des êtres et des peuples. On est tout de suite emporté par cette musique qui ensorcèle l'âme et le cœur. Avec son petit accent et son flegme slave, Vadim Sher ajoute des textes toujours opportuns, toujours propices à ces départs, à ces idées de départs.
On défie quiconque de venir voir "Notes de départs" et de ne pas succomber à ce parfait mélange entre musique et littérature.
Un moment de suspension hors d'une réalité dramatique. Puisse les armes utilisées par le trio Degré 41 faire taire les autres.
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