Benicassim, vendredi 2 août 2002
Un festival qui débute sans pluie ni trop de soleil, les conditions
sont idéales, direction le Fiberfib.com pour prendre la température.
I Am Kloot
18h05, les trois I Am Kloot déboulent sur scène, guitare sèche-basse-batterie.
Avant toute chose, il convient de ne pas se fier à leur air hautain (même
si le chanteur sait faire preuve d'humour en introduisant chacune de ses chansons
en parlant du désastre), leur musique étant géniale ("Darkstar")
rappelant parfois - souvent même - les magiques Wilco.
Au final, excellent concert pour ce groupe dont les fabuleux Kingbury Manx ont
fréquemment assuré la première partie.
The Notwist
Dix bonnes minutes de changement de matériel (!) plus tard et c’est
au tour de The Notwist. Entrée en matière difficile, problèmes
de son (seules les machines sont audibles), le pire est à craindre mais
là miraculeusement, les musiciens se mettent à jouer, alignant
par la même deux morceaux de cinq-six minutes très psychédéliques,
violents parfois, d’une grande efficacité - la fin avec une apocalyptique
version de "Pilot" valant également le détour
-.
Verdict : virer le sosie de Ed Simons aux platines et ce groupe deviendra sensationnel.
A la vue du programme, la tête d'affiche - Reindeer Section - est absente,
l'attente sera donc d'une heure trente avant Electric Soft Parade.
Electric Soft Parade
Premier contact avec la grande scène : l'endroit est impressionnant bien
qu'il soit encore loin d'être plein. Vers 21h30, les frères White
accompagnés d'un bassiste et d'un claviériste prennent possession
de la scène : "Start Again" en guise de départ
logique. Pourtant au bout de quelques minutes, il s'avère évident
que le son est complètement pourri : seules la voix, la basse et la grosse
caisse sont audibles ... le reste étant perdu très loin derrière.
Fâcheux, car ils avaient l'air particulièrement en jambes ce soir-là.
Le bassiste possède toujours un jeu de scène incroyable - on n'ose
même pas imaginer le nombre d'heures passées devant son miroir
pour atteindre une telle perfection -.
Au bout de sept morceaux, ils annoncent logiquement leur dernier titre ("Silent
To The Dark"), étiré sur une vingtaine de minutes comme
au Café de la Danse, quelques mois auparavant (en un peu moins intimiste
toutefois).
En tout cas, très bon concert mais gâché par un son exécrable.
Maintenant, les choses très sérieuses vont commencer avec Supergrass.
Supergrass
Pas une minute de retard quand arrivent Gas, ses acolytes et ses rouflaquettes
(presque dignes d'un Jon Spencer cuvée 2002) qui se lancent quasi-immédiatement
dans une version endiablée de "Pumpin On Your Stereo".
La suite sera parfaite, rien à redire, entre les titres du nouvel album
(qui s'annonce d'un très haut niveau), les grands classiques ("Sun
Hits The Sky", "Richard III" ou un "Moving"
enchaîné à "Mary" avant de clôturer
le show de la plus belle manière qui soit avec une version insensée
de leur magique premier simple "Caught By The Fuzz".
Sans conteste, le concert du samedi, grande claque... En vieillissant, Dany
ressemble de plus en plus - autant physiquement que dans son jeu - au Keith
Moon du film "The Kids Are Allright".
Rien à dire sur Los Planetas, gloires locales sans intérêt.Une
heure plus tard, retour sur la grande scène pour la tête d'affiche
de cette première journée : Muse.
Muse
Alors là, énorme déception : le groupe de trois teigneux
croisé deux ans et demi auparavant à Clermont-Ferrand s'est transformé
en une abominable machine de stade : bouillie sonore, soli inoffensifs, nappes
de claviers pesantes, prouesses guitaristiques déplacées. Le dernier
album est une horreur sur scène "Hyper Music", "Space
Dementia", tout est à vomir, même la version de "New
Born" est ratée, complètement massacrée ...
Heureusement, le dernier quart d'heure sauvera le gig du néant absolu
en renouant avec de vieux morceaux admirablement bien exécutés
: "Sunburn", "Plug In Baby" et "Muscle
Museum". L'urgence des débuts qui faisait la force scénique
du groupe a laissé place à une musique insipide, violente et pénible.
Le jour où Matt Bellamy arrêtera de se prendre pour le Joe Satriani
du 21e siècle et de se laisser influencer par la vague actuelle du rock
outre Atlantique, son groupe redeviendra magique, ce qui n'est définitivement
plus le cas.
A proscrire sévèrement, en un mot : pa-thé-ti-que.
The Cure
Lorsque Robert Smith (et sa coupe de vingt ans d'âge) apparaît,
une impressionnante vague de folie envahit les premiers rangs (la curemania
est proche). Le groupe (qui n'en finit pas de renaître de ses cendres
au fil des ans) gratifie le public d'un set correct partagé entre extraits
de "Bloodflowers" et titres plus anciens.
Le genre de prestation et de formation à voir une fois dans sa vie.
Benicassim, samedi 3 août 2002
Suite à l'annulation de Sigur Ros, le programme est un tantinet dérangé
pour ce deuxième jour, le Beta Band passe en tête d'affiche du
Fiberfib.com et Jack est ajouté à la liste devant se produire.
Jack
Les musiciens sont déjà en place lorsque arrive Anthony Reynolds,
lunettes noires, bouteille de whisky à la main et comme d'habitude, sévèrement
entamée. Comme chez Lenoir quelques mois plus tôt, le groupe déroule
sa pop sophistiquée plutôt bien accueillie d’ailleurs par
un public encore clairsemé. Leur excellent dernier album en date a bénéficié
d'un large éclairage (promo oblige) pour une superbe entrée en
matière un poil trop courte cependant (30 minutes).
Departure Lounge
Quasiment inconnu - si ce n'est pour sa collaboration avec Kid Loco -, le groupe
donne, pendant presque trois quarts d'heure, dans une pop sucrée tout
à fait charmante à écouter en grande partie à cause
de la voix du chanteur. Ils gratifient même le public d'un reprise de
"Survivor" des Destiny's Child tout comme Travis avec "Baby
One More Time" à l'époque où le groupe présentait
encore un certain intérêt.
Excellente deuxième mise en jambes mais une certaine agitation est perceptible
dans le public : normal le prochain sur la liste est le Beta Band.
The Beta Band
Autant le dire tout de suite, ce fut jusqu'alors le concert du week-end. Totalement
déjantés, projetant sur les écrans à l'arrière
de la scène des films ou des pochettes de classiques de l'histoire du
rock, usant d'instruments saugrenus, la scène se transforme en une piste
de cirque devant des spectateurs médusés qui n’en croient
pas leurs yeux.
Coté musique, ils revisitent quelques morceaux assez anciens de leur
chef d’œuvre "The 3 EP's" puis des titres du dernier
"Hot Shots II". La rythmique est absolument monstrueuse -
surtout la batterie -, le chanteur ravagé et le quatrième - habillé
en pompier comme Pete Townshend en son temps - tire de ses claviers les effets
les plus incroyables.
Mention spéciale à un titre d'une dizaine de minutes au milieu
du show, virant en expérimentations psychédéliques très
réussies : le dernier morceau valant également son pesant, les
quatre musiciens finissant autour de deux batteries pour une clôture de
set magistrale.
Direction maintenant la grande scène, dans quatre heures, Radiohead
va y établir domicile, l’excitation est perceptible, quelque chose
de grand est en préparation.
Super Furry Animals
Première mise en bouche géniale sur la grande scène verte
: Super Furry Animals. Rappelant parfois Sonic Youth, leur son noisy à
souhait, couplé à des projections délirantes sur les écrans
géants latéraux (Black Sabbath, Lenine...) ainsi qu'à un
jeu de scène des plus efficaces rendent ce concert réellement
excellent. Pourtant le groupe ne se contente pas de sortir les grosses guitares
et sait aussi se faire très psychédélique comme précédemment
le Beta Band : à rapprocher en quelque sorte des magiques norvégiens
de Motorpsycho.
Belle & Sebastian
Après avoir assisté au concert de leur vie voilà quelques
mois au Grand Rex, il fallait se préparer psychologiquement à
une possible déception devant ce groupe plus qu'aléatoire sur
les planches. L'ambiance retombe donc un peu mais dès que fusent les
classiques "The State I'm In" ou "The Boy With The
Arab Strap", la foule devient dingue couvrant la voix magique de Stuart
Murdoch : sachez-le les espagnols sont un peuple chanteur. Il semblait logique
que le groupe resserve ce sublime titre ambiance flamenco joué Paris
mais il n’en fut rien, ni de Love d'ailleurs, mais là il ne fallait
tout de même pas rêver.
Reste une petite déception d'un manque d'originalité sur le choix
de certains titres ou de ne pas avoir entendu Isobel Campbell, mais bon, aujourd'hui
c'était le service minimum ...
S'en suit une grosse demi-heure d'attente avant Paul Weller à cause
de problèmes techniques à répétition.
Paul Weller Paul Weller monte finalement sur scène avec près de quarante minutes
de retard, fermement décidé à en découdre - ce quasi-mythe
vivant semble toujours être ce même gamin énervé du
temps de Jam, 20 ans plus tôt -. Affublé de sa traditionnelle Rickenbaker
ou tout simplement d'une SG, il balayera durant une petite heure ses albums
solos récents en laissant malheureusement de côté ses sublimes
vieilleries.
En résumé, un concert sympa d'une légende vivante au jeu
de scène classieux.
Voilà, tout le monde est descendu autour de la grande scène pour
venir se prosterner devant LA tête d'affiche du festival - le seul pour
eux cet été au milieu d’une tournée hispano-portugaise
- : Radiohead.
Radiohead Il est exactement 1h45, le dimanche 4 août 2002 quand le super groupe
d'Oxford grimpe sur scène. Une interminable ovation se dégage
de la foule avant même d’avoir joué le moindre morceau. Thom
Yorke a l'air assez calme ce soir, content d'être ici devant près
de 50000 fans.
Le premier titre - "The National Anthem" - ravage d'entrée
et met tout le monde d'accord avant que le chanteur se mette au piano pour délivrer
une sublime version de "Morning Bell". On passe ensuite à
du plus classique "Lucky" et "Karma Police"
malheureusement gâchés par des hordes d'espagnols chantant à
tue tête - et très mal en plus -. Le morceau suivant, "Dollars
And Cents", voit Johnny Greenwood passer au piano : comme il y a deux
ans à Saint-Denis, il est encore évident que ce mec tient la baraque
à lui presque tout seul.
La suite est complètement magique : "I Might Be Wrong",
"Fake Plastic Trees" et "Exit Music".
Mention spéciale au premier dont le riff prodigieux fait chavirer le
public comme sur les deux suivants qui n'avaient pas été joués
le 20 septembre 2000. L'ambiance retombe ensuite quelque peu avant le festival
final avec "Pyramid Song" et le premier inédit de
la soirée "Punch Up At A Wedding". Phil Selway et
Colin Greenwood à ses côtés assurent une rythmique discrète
mais terriblement efficace. Ed O'Brien et le frère de Colin triturent
guitares et machines fabriquant ainsi un tapis merveilleux sur lequel Thom Yorke
vient déposer sa voix. Ce dernier se met ensuite au piano pour "Everything
In Its Right Place" interrompue par la chute de la contrebasse. Beau
joueur, il reprend le morceau au départ pour en délivrer une version
envoûtante.
Le show a déjà commencé depuis près d'une heure
quand ils s'attaquent au bouquet final : "Just", "Paranoid
Android" et "Idiotheque". Les deux premiers marquent
tant par leur déluge sonore que par les prouesses guitaristiques de Johnny
Greenwood. Quant à "Idiotheque", elle ravit littéralement
les spectateurs en permettant à Thom Yorke de se lancer dans une de ses
fameuses transes dont il a le secret.
Après quoi ils quittent la scène pour revenir jouer un unique
titre inédit "There There", qui voit Ed et Johnny
passer des tambours aux grosses guitares laissant peut-être espérer
un improbable retour aux 6-cordes sur la prochaine livraison. Thom Yorke descend
ensuite pour saluer le public laissant Ed et Johnny jouer avec leurs pédales
et sampleurs avant de quitter définitivement la scène.
La magie dégagée par le groupe lors de cette prestation dépasse
l’entendement : peu de groupes sont à l’heure actuelle capables
de prendre les spectateurs aux tripes en les transportant aussi loin pendant
aussi longtemps avec autant d’intensité.
Benicassim, dimanche 4 août 2002
Dernier soir du festival, d’énormes têtes d’affiche
comme la veille complétant à merveille un programme déjà
très alléchant.
Haven
Tout commence avec Haven au Fiberfib.com comme tous les soirs. Ils viennent
de Manchester et leur look est à faire pâlir Strokes, INC, Hives
et consort … surtout le chanteur complètement défait. Côté
musique, ils sont à rapprocher de formations telles que Embrace ou Starsailor
pour les titres plus calmes. Et il y en aura eu peu de calme durant leurs trois
quarts d’heure de prestation : grosses guitares au service d’un
rythmique solide et menées par la remarquable voix du chanteur.
Au final, un concert un peu inégal – à la fin particulièrement
-, un son vraiment trop fort mais un assez bonne impression d’ensemble.
Il reste maintenant à aller camper devant la grande scène pour
le reste de la soirée et de la nuit.
Dominique A
Assez incroyable de retrouver un artiste français non électronique
ici en Espagne. En tout cas, première claque de la journée –
il n’est pourtant que 21h30 - : le parti pris très rock est assez
éloigné des versions studio (certains y verront la conséquence
de sa rupture avec Françoiz Breut, ce qui ne doit pas être totalement
faux). La qualité du son permet tant d’apprécier les textes
que le déluge sonore des plus jouissifs de certains titres qui finira
par drainer bon nombre de sceptiques durant le concert. Quelques morceaux du
petit dernier sont exécutés mais la mention spéciale revient
directement à la monumentale version de "Twenty Two Bar".
Après quarante minutes d’un show de toute beauté, il quitte
la scène sans avoir daigné prononcer le moindre mot de français
entre les titres.
A peine est-il sorti que des roadies dévoilent un immense drapeau à
l’effigie de Black Rebel Motorcycle Club, la suite promet d’être
terrible.
Black Rebel Motorcycle Club
Pour les avoir vus quelques mois plus tôt au Trabendo, ce show devait
être un des sommets de cette journée, ce qu’il fut sans l’ombre
d’un doute. Ambiance sombre, éclairages rouges ou orangés
ou inexistants en cette fin d’après-midi, les BRMC soignent leurs
apparitions tous de noir vêtus. Ils se lancent classiquement dans un "Red
Eyes And Tears" qui commence de captiver la foule. Le chanteur porte
un pansement à la main droite ce qui n’empêche pas le son
d’être énorme, les riffs chauds et aiguisés : "Love
Burns", "Riffles", "Spread Your Love"
…
Leur côté assez vieillot ne semble pas déranger qui que
ce soit, au contraire en ces temps de revival rock’n roll. De rock’n
roll, il est justement question sur la fin du gig avec une version de "Salvation"
à tomber laissant place à un "Whatever Happened To My
Rock’n Roll" d’anthologie qui déchaîne les
spectateurs.
Sublime progression dans l’intensité jusqu’à maintenant,
il est temps de se reposer un peu et de se dégager du devant de la scène,
option idéale étant donné que les Doves vont jouer imminemment
sous peu …
Doves
Comme pour BRMC, votre serviteur sait à quoi s’attendre car il
a déjà eu la (mal)chance de les voir au Divan du Monde où
ils avaient livré un concert très décevant qui s’avèrera
pourtant bien meilleur que celui-ci. En gros, tout se barre en sucette dès
le premier morceau, rattrapage le temps d’un "There Goes The
Fear" avant de sombrer définitivement sous les coups de boutoirs
d’une basse bien trop forte : le chanteur s’étonne même
bizarrement que le public ne soit pas plus réceptif.
En résumé, un concert pas bien du tout, indigne de la grande
scène. Au passage, il serait intéressant que quelqu’un explique
pourquoi les anglais achètent leur dernier disque par camions …
Suede
Autre poids lourd anglais, légende de la musique outre-Manche, Suede
se devait de laver l’honneur de la reine après un tel outrage,
ce qui n’a malheureusement été fait que partiellement. Déjà,
le concept du concert était bancal : morceaux choisis par les fans sur
le site du groupe le tout joué sous forme d’un karaoké géant,
c’est à dire en faisant participer la foule autant que possible.
Evidemment, quelques couacs sont survenus et leur musique s’est avérée
assez stérile à la longue.
Restent de belles versions de classiques tels que "Beautiful Ones",
"Everything Will Flow" ou "Trash", quelques
jolies parties de guitare et la pêche incroyable de Brett Anderson (ah
ces vitamines !).
Chemical Brothers
Après presque trois heures de récréation, le temps est
venu de repasser aux choses sérieuses avec la tête d’affiche
du dimanche. Il commence à se faire un tout petit peu tard (2h45), le
montage des platines a duré plus longtemps que prévu mais lorsque
les deux faux frères chimiques Tom Rowlands et Ed Simons s’installent
derrière leurs machines, une standing ovation les accueille.
Le concert pourrait se résumer à un mix de 90 minutes, une sorte
de transe relayée par des jeux de lumière somptueux et des projections
d’images sur les côtés de scène. Le répertoire
était clairement orienté sur "Come With Us",
leur dernière livraison, sans oublier les perforants "Block
Rockin Beats", "Music : Response", "Out
Of Control" et surtout un "Hey Boy Hey Girl" remodelé,
retravaillé.
Si seulement tous les artistes électroniques s’étalonnaient
sur les Chemical Brothers …
Air
Il est 4h50 quand le duo versaillais, encore accompagné du phénoménal
Jason Faulkner prend possession de la scène avant d’ouvrir leur
set avec "Electronic Performers". Le titres joués
privilégient à peine le dernier album, les autres n’étant
donc pas en reste : sublime "Playground Love" chantée
par Jason Faulkner ; comme à l’Olympia l’année précédente,
les éclairages sont toujours sublimes, le groupe très en place
autour de la basse.
En plus de quelques titres inédits, la fin, absolument à tomber
avec "Sexy Boy", "Kelly Watch The Stars"
et "La Femme D’Argent", met tout le monde d’accord
et clôt en beauté ces trois jours de folie.
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