Réalisé par Ali Asgari. Iran. Drame. 1h26 (Sortie 16 novembre 2022). Avec Sadaf Asgari, Ghazal Shojaei et Babak Karimi.
Devant "Juste une nuit" d'Ali Asgari, on a envie de reprendre une précédente critique rédigée lors de la sortie d'un autre film iranien.
Comme celui-ci ou comme le prochain, on est tout de suite convaincu que l'on est plongé immédiatement dans la réalité d'un pays en ébullition.
Alors qu'on n'a qu'une vision caricaturale du pays des mollahs, son cinéma, qu'il y soit bien vu ou qu'il y soit censuré, donne des indications précises de ce qui s'y passe.
Par la force et l'astuce de récits qui permettent une coupe transversale de la toute la société, on découvre les solidarités entre les citoyens des différentes classes sociales et bien vite les limites de ses solidarités.
Souvent, comme dans "Juste une nuit", l'action se déroule à Téhéran ou dans une grande ville, et le héros ou l'héroïne est un provincial projeté là pour étudier ou travailler. Quand ressurgit un élément de son passé, il découvre la précarité morale de sa nouvelle situation...
Ainsi Fereshteh (Sadaf Asgari) apprend tardivement que ses parents vont venir à Téhéran et, tout naturellement, viendront dormir dans son studio. Le hic, c'est qu'elle a eu un bébé, ce qu'ils ignorent. Redoutant leurs réactions, il ne lui reste que quelques heures pour confier le bébé à quelqu'un et faire place nette chez elle...
Aidée par son amie Atefeh, elle va alors s'épuiser à trouve la solution miracle. Portant constamment son bébé contre elle, la jeune femme est presque un personnage de jeu vidéo, allant et venant dans une ville pleine d'embûches.
On pourrait imaginer le même scénario à Paris avec une mère sans papiers devant craindre à chaque instant que surgisse le fonctionnaire ou le policier pouvant l'arrêter, lui enlever son enfant.
"Juste une nuit" d'Ali Asgari est un suspense implacable, mais le réalisateur y mêle beaucoup d'éléments sociologiques. Chaque personnage rencontré a ses raisons d'envoyer promener la jeune mère car pour tous règnent des menaces concrètes. Tout est fait pour que chacun puisse craindre pour son statut social s'il vient en aide à sa voisine.
La société iranienne, contrôlée par un pouvoir théocratique, n'est plus encouragée à la solidarité. Comme elle est aussi, qu'on le veuille ou non, un pays capitaliste où l'argent est roi,, tout peut théoriquement se résoudre à l'aide de l'argent. Encore faut-il en avoir et savoir à qui faire confiance...
Dans son parcours plein de va-et-vient et d'allers retours, Fereshteh vérifie jusqu'à l'épuisement ce qu'est une ville de grande solitude pour une fille-mère, a fortiori quand les mœurs ne sont pas libres mais qu'elles peuvent aussi être corrompues ou hypocrites, comme le montre la scène avec le médecin-chef de l'hôpital. Le spectateur épouse évidemment sa cause et se sent, peu à peu, gagner par le même désespoir qu'elle.
"Juste une nuit" est le second long métrage d'Ali Asgari, il y reprend des éléments d'un de ses courts-métrages ,"The Baby", palme d'or du court à Cannes en 2014. Sadaf Asgari, déjà vu dans "Yalda", est impériale dans son rôle de mère courage dans l'impasse. Ce qu'elle doit affronter est finalement sans issue et jamais un film n'aura été aussi prémonitoire.
"Juste une nuit" d'Ali Asgari, outre ses qualités cinématographiques, est à voir parce qu'il annonce la révolte des femmes iraniennes. Quoi qu'il arrive à leur combat, on sait que le cinéma iranien, entravé ou débridé, en sera une fois encore le témoin aigu. |