Réalisé par Milena Aboyan. Drame. 110 minutes. Sortie le 7 février 2024. Avec Bayan Layla, Derya Durmaz, Nazmi Kirik, Armin Wahedi, Derya Diber, Cansus Leyan.

Elaha (Bayan Layla), 22 ans, est une jeune femme d'origine kurde qui vit avec sa famille en Allemagne. Elle mène une existence pas très différente des filles allemandes de son âge, mais elle va découvrir le poids de sa communauté sur elle, par l'intermédiaire de ses parents qui veulent lui concocter un mariage arrangé, et par l'intermédiaire des traditions et des tabous qui structurent cette communauté. En effet, la femme doit arriver vierge au mariage. Or, Elaha ne respecte plus cette condition...

Ce n'est pas la première fois que l'on peut suivre ce genre de scénario. Mais, pour son premier film, Milena Aboyan a l'avantage de s'appuyer sur une comédienne lumineuse, Bayan Layla, et de créer un vrai suspense sur la possibilité pour son héroïne de réussir à "duper" son futur partenaire.

On va donc découvrir, par exemple, qu'il existe en Allemagne des sociétés qui peuvent reconstituer l'hymen des futures mariées. Evidemment, à un prix pas très compréhensif pour ces jeunes filles forcément issues majoritairement de couches sociales plutôt défavorisées... Alors, existent également des associations pour aider ces jeunes filles à accéder à cette "chirurgie réparative".

Toute cette recherche épuisante a un résultat inattendu chez Eleha : elle comprend peu à peu l'inanité de ce qu'on lui demande... Ne fait-elle pas tout ça pour satisfaire un futur époux qu'elle n'aime pas ? Pour obéir à des parents qu'elle ne veut pas décevoir alors qu'ils la poussent, sans qu'elle puisse émettre la moindre objection, vers une catastrophe certaine ?

Les événements du film vont la convaincre du choix qu'elle doit opérer et lui donner des arguments pour combattre plutôt que de se soumettre à la loi d'airain d'une communauté qui craint de disparaître si son patriarcat est remis en question en Allemagne.

"Elaha" de Milena Aboyan, s'il décrit le parcours d'une femme et épouse son point de vue, n'est pas pour autant manichéen. Les hommes, et particulièrement les jeunes hommes, subissent eux aussi le poids des traditions. Eux qui ne se privent pas de violer l'obligation religieuse d'arriver vierge au mariage, se savent, pour nombre d'entre eux, dépositaires d'une loi hypocrite et qui n'est pas, à cause de leur manque de courage, prête d'être un jour abrogée...

On appréciera le jeu subtil de la comédienne principale dans les scènes où elle s'occupe avec beaucoup d'amour de son petit frère handicapé.

On aimerait aussi voir des cinéastes français ou installés en France s'emparer d'un tel sujet et de s'en tirer avec la même justesse, la même délicatesse et surtout sans aucun surplomb moral sur la communauté décrite.