Spectacle écrit par Sarah McKenna, mis en scène par Djamel Saïbi, avec Emma Dubois.
Une petite chambre dans l’obscurité. Une femme se tourne et se retourne au fond de son lit. L’insomnie est entrée dans sa nui t. Une nuit lourde, harassante et opaque...
Alors cette femme s’adresse à son fils, parti, depuis trop longtemps. Elle lui parle et se confie sur sa vie. Sa vie de femme, sa vie d’épouse, sa vie de mère.
Être une femme dans un pays en guerre, être femme, seule, quand les hommes sont partis. Seule avec ses souvenirs, ses émotions et ses inquiétudes. Dans la chaleur étouffante et le bruit des bombes.
Comment vivre l’absence dévorante et envahissante d’un fils parti à la guerre lorsque autour de soi résonnent encore les échos du conflit qui viennent se confronter aux souvenirs d’une vie passée.
Si la grande histoire est ancrée dans une temporalité, la petite histoire de cette femme recluse est quant à elle universelle et intemporelle. Ce sont ses vibrations intimes que cette femme, qui ne nous dit pas son nom, livre à son fils. Elle lui dit son manque cruel, la douleur de ne pas savoir, la folle espérance qu’il soit encore, pas trop loin, encore.
En nous livrant ses souvenirs de jeune fille, de jeune épouse, de mère, d’amoureuse, puis de vieille dame au corps ralenti, elle nous émeut de sa si fragile puissance, de sa condition de femme esseulée, qui fut jadis entourée d’hommes qui n’ont su accéder à son désir, à ses espérances de femme libre.
L’écriture de Sarah McKenna est ciselée, elle décrit l’intime et le charnel, la découverte de soi et l’espérance de l’autre. La souffrance et l’entêtante inquiétude de la solitude, et la perte de repères et de sens qu’elle entraîne. Son magnifique texte aux fulgurances poétiques dignes d'une dentelle délicate, donne au récit la puissance évocatrice nécessaire pour nous immerger dans la vie de cette femme et des hommes qui l'ont côtoyée.
Emma Dubois est remarquable dans sa façon d’incarner cette femme à travers les âges, d’incarner aussi les hommes qui ont traversé sa vie. Elle est totalement investie dans son rôle, nous fait vibrer au gré de ses émotions, de ses craintes, de ses malheurs et heureusement de ses quelques bonheurs aussi.
La mise en scène et le décor mettent en relief l’intime et l’universel, dans un tout petit espace, on dort, on se lave, on mange, on marche, pour se souvenir qu’on est encore vivant. Les jeux de lumière nous font voyager en retours arrière.
La bande son donne de la perspective de ce voyage à travers les époques, les chansons donnent envie de danser quand le bruit des balles sifflantes semblent mettre la vie entre parenthèses.
C’est une pièce qui dit la fulgurance de la vie. Une pièce très touchante, délicate et envoûtante.
Sur la scène de ce minuscule théâtre du Guichet Montparnasse, la proximité physique avec la comédienne et les quelques éléments du décor nous plongent d'emblée dans la mémoire de cette femme, épouse, amoureuse et mère dans l'Algérie des années 60. |